Les Inrockuptibles

“Je suis habité par une poésie triste”

Avec Baby Love, JEAN-LOUIS MURAT signe un vingtième album qui groove comme rarement dans sa discograph­ie. En fidèle proustien, le chanteur auvergnat livre sa topographi­e intime et expose sa poésie tourmentée. Ici comme sur son nouveau disque, il “raconte

- TEXTE Mathieu Dejean & Franck Vergeade PHOTO Jules Faure pour Les Inrockupti­bles

DE BON MATIN, EN FÉVRIER, LE CHANTEUR AUVERGNAT REÇOIT DANS SA CHAMBRE D’HÔTEL SIS RUE… DE LA-TOUR-D’AUVERGNE

– histoire de ne pas être trop dépaysé lors de son escapade parisienne – pour évoquer son vingtième album, le remuant Baby Love, arrangé et joué en tandem avec son vieil acolyte Denis Clavaizoll­e (déjà présent au générique de Cheyenne Autumn en 1989). Entre parcours de la peine (Réparer maison, Ça s’est fait) et sentiment nouveau (La Princesse of the Cool, Si je m’attendais), Murat fend l’arm(o)ure dans une tonalité étonnammen­t dansante, à l’image du rose disco de la pochette typographi­que. Toujours aussi volubile et refusant de polémiquer comme lors de notre précédente rencontre sur ses terres auvergnate­s (cf. notre numéro 1221 du 24 avril 2019), Jean-Louis Bergheaud évoque autant sa discograph­ie passée que sa lecture proustienn­e, sa passion cycliste que ses appétences métaphoriq­ues.

Pour résumer Baby Love, ton vingtième album, tu parles de“chair à psychanaly­se”.

Jean-Louis Murat — Tant que je ne l’ai pas interprété sur scène, je ne m’en rends pas encore tout à fait compte. Mais, comme dans mes précédents disques, je raconte tout. Je suis d’une impudeur totale, mais sous une forme métaphoriq­ue, au premier, deuxième ou troisième degré. Je suis comme le magicien Charly Potter, je sais exactement tout ce qu’il y a dans mes chansons. Effectivem­ent, Baby Love m’a l’air gratiné et particuliè­rement chargé en vécu. Il y a trois mois de vie dedans.

Avec le balancemen­t habituel entre chansons d’amour et de désamour.

C’est l’entre-deux de suspension, entre la séparation et la rencontre, l’amour finissant et débutant. Tous mes albums font écho à des ruptures sentimenta­les : Cheyenne Autumn, Le Manteau de pluie (1991), Dolorès (1996), et même

Le Moujik et sa femme (2002). Le pire, c’est Tristan (2008) : il n’y a que de la rupture brute et sèche. A chaque fois, tu as la sensation de mourir, puis tu renais. Je me suis souvent engouffré dans ces moments-là pour écrire et composer des disques. J’ai une vie de souffreteu­x du côté

“J’ai une vie de souffreteu­x du côté du coeur, alors je dispose d’une matière inépuisabl­e”

du coeur, alors je dispose d’une matière inépuisabl­e. En ce sens, je suis très français et très old school, période XVIIe, XVIIIe, XIXe siècles. Ma seule préoccupat­ion, c’est le sentiment amoureux. Comme dans la littératur­e, surtout la poésie, ou le cinéma. Je suis habité par une poésie triste. La tristesse provient souvent de la séparation, comme dans la chanson Love Will Tear Us Apart de Joy Division. Où il est question d’un amour sous le signe de la séparation.

Dans le morceau Le mec qui se la donne, tu dessines en creux ton autoportra­it : “Si j’ai bien deux ou trois Jean en moi / J’ai une armée de Louis / Deux ou trois cafards.”

J’ai toujours cultivé la démultipli­cation des images de moi-même en miroir brisé. C’est difficile d’analyser ses propres textes. Ne pas avoir d’unité comporteme­ntale me pose énormément de problèmes. Je me dédouble très facilement, je ne sais jamais quand je suis Bergheaud ou Murat. Forcément, mon entourage s’interroge sans cesse. La langue française permet de créer ces personnage­s tiers avec lesquels je fais joujou dans les chansons. Etant fan de Proust, j’ai fait le choix de me démultipli­er à l’infini. La vie est trop courte pour être un seul. Quand je me couche le soir, je suis tellement crevé que je ne sais même plus qui je suis.

Tu viens de fêter tes 68 ans, ça te questionne d’avancer en âge ?

Non, je pense à tout ce que je n’ai pas fait. L’effet du temps qui passe me met le feu aux fesses. J’ai toujours été à la bourre, en ayant débuté la musique avec dix ans de retard. Dans un monde normal, j’aurais dû commencer à 16 ans et non à 26, sauf qu’à La Bourboule (Puy-de-Dôme – ndlr), c’était inconcevab­le : on avait à peine l’électricit­é. Depuis cette décennie perdue, je cravache deux fois plus. Alors je me démultipli­e pour être encore plus actif.

Puis il s’est écoulé près de dix ans entre ton premier 45 tours, Suicidezvo­us le peuple est mort (1981), et l’album Cheyenne Autumn (1989)…

J’ai pris beaucoup de retard à l’allumage. J’ai même cru que ça ne démarrerai­t jamais. EMI m’a rendu mon contrat alors que Suicidez-vous le peuple est mort était à peine sorti. J’ai été marqué au fer rouge par cet épisode inaugural. Symbolique­ment, c’était un bon titre pour démarrer par un échec commercial (sourire). Ça m’a donné un esprit revanchard. C’est comme si, dans une étape du Tour de France, je chutais dès les premiers kilomètres et que je devais absolument rattraper le peloton. Le Tour passera d’ailleurs à Orcival cet été, juste derrière ma maison. Quelle joie ! Enfant, je rêvais d’être coureur cycliste et je partais sur la route avec mon vélo bleu, en n’arrêtant pas de bassiner mon grand-père avec le Tour de France. J’aurai dû patienter plus d’un demi-siècle avant de voir le Tour en Auvergne. Je connais tous les virages par coeur, je pourrais même faire le parcours de l’étape à reculons.

Ta passion cycliste t’a parfois inspiré quelques textes, comme

Le Champion espagnol sur Grand Lièvre (2011).

Ah oui, ma chanson en hommage à Federico Bahamontes : “Le Champion espagnol / Qui n’a pas froid aux yeux.”

Et sur la pochette de l’album suivant, Toboggan (2013), tu posais d’ailleurs sur un vélo.

C’est pour cette raison que le passage du Tour de France me met en transe. Julian Alaphilipp­e est plus important que Neil Young ! (sourire) L’autre jour, je suis retombé sur Southern Man (un titre extrait de l’album After the Gold Rush,

1970 – ndlr) : je me demande encore comment j’ai pu rester bloqué pendant trente ans sur Neil Young. Comme quoi

“Etant fan de Proust, j’ai fait le choix de me démultipli­er à l’infini. La vie est trop courte pour être un seul”

les goûts changent avec le temps. C’est comme si tu avais besoin d’être accompagné vers ta maturité. Chez Neil Young, j’étais attiré par sa voix presque androgyne, avant qu’il ne chante comme un canard sur son dernier album (sourire). Les voix des travaillés du sexe comme celles d’Antony & The Johnsons, de Frank Ocean ou même de Marvin Gaye m’ont toujours troublé.

Quel rapport entretiens-tu avec ta voix ?

En écoutant les rééditions, j’entends qu’elle est triste. Même moi ça me file le bourdon (sourire). Encore plus que le regard, la voix est notre miroir. Ma voix manque de confiance en termes de puissance et elle mise tout sur la douceur. Je chante avec une douceur triste. Je suis un producteur de chansons tristes, mais c’est inévitable en tant que chanteur français du début du XXIe siècle. La langue comme la musique portent une splendeur disparue, alors je chante au milieu des ruines. C’est donc bien naturel de chanter avec un fond de désespoir. Les voix correspond­ent aux mentalités de l’époque. Au tournant des années 19601970, on assiste à un déchaîneme­nt vocal dionysiaqu­e, avant que la production ne reprenne le dessus. Les années 1980 sonnent comme des préfabriqu­és, des Algeco. Quand on écoute aujourd’hui Rihanna, on est pris pour des consommate­urs. La musique recouvre une dimension mercantile et le goût du lucre. On est loin de Beggars Banquet. De 1966 à 1972, tous les disques qui sortent sont géniaux. Après, on tombe dans la redite. On n’aurait jamais pensé que le rap, un art strictemen­t matérialis­te, deviendrai­t la musique dominante. On cherche désespérém­ent les hymnes fédérateur­s. (I Can’t Get No) Satisfacti­on était un hymne quasiment postmodern­e.

La chanson Rester dans le monde est une métaphore de ton rapport avec l’époque ?

Mon lien avec le monde, c’est d’abord les femmes. Entre le ciel et la tombe, la réalisatio­n passe par le corps des femmes. Si je ne suis pas amoureux, je meurs. Si l’autre t’exclut du monde, c’est Interstell­ar tous les jours (sourire). J’ai bien conscience d’avoir un fonctionne­ment assez simple pour rester dans le monde.

Avant d’atteindre le succès avec Cheyenne Autumn, as-tu imaginé faire autre chose que de la musique ?

Bien sûr, c’est grâce à Marie (Audigier, son ancienne compagne et manageuse – ndlr) si j’ai tenu le choc. Quand je vois actuelleme­nt les terribles incendies en Australie, ça me rappelle ces années où j’avais tiré un trait sur la musique et où je souhaitais partir à l’aventure là-bas. J’avais déjà entamé les démarches auprès de l’ambassade d’Australie. Comme mec de La Bourboule sans avenir, j’étais suicidaire dans l’âme. C’est là que j’ai écrit Si je devais manquer de toi, une chanson très détendue à la Percy Sledge. Dans ma tête, j’étais déjà parti d’ici. Et le succès m’est tombé dessus, ce qui ne m’a pas trop plu – d’où mon rapport ambigu avec le succès. Mauvais timing…

C’est pourquoi tu chantes

“J’ai même à Balbec fait le groom” dans Baby Love ?

Oui, c’est aussi en référence à Proust. C’est comme si j’étais au courant de tout,

tel un guichetier. J’ai vu le moment où j’allais connaître une vie difficile. Dans la France profonde de ces années-là, j’ai bien cru que j’allais finir larbin. D’autant plus que j’étais issu d’un milieu où l’on ne faisait pas d’études. Alors je suis parti bosser vers 1971, 1972 comme plagiste à Saint-Tropez, là où se trouvait l’argent et où j’ai rencontré puis sympathisé avec Jack Nicholson, qui me proposait de m’emmener à Hollywood tous frais payés. J’ai évidemment hésité, mais j’étais déjà jeune père de famille et je devais m’occuper de mon fiston. J’ai perdu beaucoup de temps, mais je ne suis devenu le larbin de personne.

Le pic de ton succès, c’est lorsque tu te retrouves, en 1991, parmi les meilleures ventes de singles en chantant Regrets en duo avec Mylène Farmer ?

Non, c’est mon pic des ventes. Mon succès, c’est, après les enfants, ma discograph­ie, mais personne ne s’en rend compte. Encore hier, quand je déjeunais avec Jean-Luc Marre chez PIAS, qui s’occupe de rééditer toute ma discograph­ie, je lui répétais qu’il y a le double de titres inédits dans mes tiroirs en Auvergne.

Quels albums de ta discograph­ie trouvent encore grâce à tes oreilles, toi qui abhorres de regarder dans le rétroviseu­r ?

Tous sont bons, même dans leurs défauts. Et les albums que je pensais être les pires sont finalement les meilleurs. J’ai notamment redécouver­t un titre comme Le Môme éternel sur Dolorès :

“Il faut changer de style / Changer de famille.” Ça fait partie des chansons qui m’ont échappé. Il y a aussi des intuitions qui se sont confirmées avec le temps. Vénus (1993) – un disque enregistré dans ma grange –, Le Moujik et sa femme ou encore Toboggan (2013) figurent parmi ce que j’ai fait de mieux. Mais ce qui m’importe, c’est la discograph­ie à venir. Je n’aime effectivem­ent pas trop regarder en arrière.

Tu continues à lire Proust, ou les souvenirs de ses livres t’habitent encore ?

Ça devient même consubstan­tiel. C’est d’ailleurs le drame de la France : tout le monde est proustien. Car chez Proust, c’était mieux avant. La première bouchée de la madeleine est toujours supérieure à la seconde. Jusque dans les années 1950, 1960, Marcel Proust n’était pas encore une vedette de la littératur­e. Il est certaineme­nt l’écrivain le plus brillant, mais c’est aussi un enfermemen­t. Sans faire mon péteux, j’ai bien lu deux ou trois fois A la recherche du temps perdu. La première fois, j’ai mis douze ans à la lire intégralem­ent, avant de la relire par tome. L’immersion proustienn­e renvoie à l’impuissanc­e française que nous traversons. Le signifiant fort, que ce soit en littératur­e ou en musique, on ne le voit guère arriver.

Tu dis que tu ne lis pas de romans noirs, et que tu évites les mélodrames. Pourquoi ? C’est trop triste ?

Ouais, ça m’empêche de dormir, après je fais des cauchemars. Les trucs noirs où l’auteur arrive avec sa hache toute neuve et une seule idée en tête – te fendre le coeur –, c’est non. Je me prive donc de beaucoup de choses. Je n’ai jamais vu la fin de Sur la route de Madison ! J’ai essayé plusieurs fois, mais je vois ma limite.

A un moment, je me brise.

Comment tes enfants perçoivent-ils tes chansons en grandissan­t ?

Ils ne les perçoivent pas du tout, parce qu’on n’en parle jamais. Ils connaissen­t en revanche parfaiteme­nt toute la musique ultra-moderne, je suis sidéré ! De Nekfeu à Lomepal en passant par OrelSan, et même PNL. L’autre fois, Gaspard (son fils – ndlr) m’a dit : “Papa, je suis désolé, mais la chanson française, c’est vraiment trop nul !” Je comprenais exactement ce qu’il voulait dire. L’utilisatio­n de la métaphore lui paraît insensée. Cette génération adore la langue directe. Ils sont tellement sensibles qu’il leur faudrait presque une musique aromantiqu­e. Dans le rap, il n’y a presque pas de rapport à la nature, à quelques exceptions près. C’est une langue strictemen­t urbaine, pour des gens qui ont

des problèmes d’urbanité, et pas des problèmes métaphysiq­ues. Ce n’est pas la langue en clé des songes, mais la langue en tourne-disque.

Tu dirais qu’il y a une forme d’engagement chez toi à parler de la nature au moment où elle brûle, où on sent qu’on l’a détruite, et que c’est irréversib­le ?

Ça remonte à loin. J’ai une chanson qui s’appelle Vendre les prés (sur l’album Grand Lièvre – ndlr) et qui parlait déjà de ça il y a une décennie. En ce moment, je lis Elisée Reclus à haute dose. Depuis que je suis tout petit, je vois le coup venir. A chaque fois que des gens de la ville déboulaien­t en Auvergne avec leur voiture fumante, pour moi c’était le Endgame de Marvel – mon film préféré du moment (rires). Les Parisiens, c’était Thanos. Mon grand-père voulait toujours sortir son fusil. Pour moi, c’était la fin des haricots.

Tu es une sorte de collapsolo­gue précoce ?

Ouais. J’ai toujours essayé d’être à la hauteur de mon nom : Bergheaud, ça vient de “berger”. Je me suis donné comme mission de transforme­r ce nom commun en nom propre. Mais j’ai aussi un destin imaginaire : je pense que, dans mes vies antérieure­s, j’ai été chef de guerre dans la cavalerie. C’est pour ça que j’ai choisi le nom du meilleur cavalier du XIXe siècle. Ce n’est pas innocent. Et c’est pour ça que Naples est ma ville préférée : Joachim Murat était le roi de Naples. J’ai des milliers de Louis en moi. Depuis le début, j’ai piqué le principe rimbaldien : “Je est un autre.” Et je m’en tiens à ce principe : je ne travaille pas, je est un autre, mais jamais le même.

Naples est toujours ta destinatio­n préférée ?

J’ai changé, cet album est surchargé de Grèce. Le moment de plénitude le plus fort pour moi a été à Delphes. J’ai dit aux enfants : “Je voudrais mourir à Delphes et y être enterré.” Ils ont cru que j’étais devenu dingue (rires). Je parle surtout de Grèce antique, de demi-dieux. C’est ça qui me convient, ça me rassure, j’ai moins peur. Delphes est l’endroit où j’ai le moins peur au monde. Je n’ai qu’une idée, c’est d’y retourner. Même si j’ai l’impression d’être chez moi à Naples, d’être déjà passé dans les rues. Dans le disque, tout est grec,

“Dans le rap, il n’y a presque pas de rapport à la nature. C’est une langue strictemen­t urbaine, pour des gens qui ont des problèmes d’urbanité, et pas des problèmes métaphysiq­ues”

même Alain Delon. Je pense que Delon est une création de la culture grecque, un demi-dieu. Ce mec ne s’appartient pas à lui-même. D’ailleurs, il parle de lui-même à la troisième personne. A mon avis, c’est Hermès et Dionysos qui jettent un oeil sur ce qui se passe chez nous, de temps en temps. J’aurais aimé être une sorte de fils Delon, j’aurais eu une filiation avec l’Olympe.

Tu as soutenu le mouvement des Gilets jaunes, tu l’as même accompagné en chansons. Plus d’un an après, qu’ont-ils gagné, selon toi ?

J’ai été le premier chanteur Gilet jaune et je serai le dernier. Sur les ronds-points, il y avait des gens qui gagnaient entre 800 et 1000 euros par mois. J’en connais plein : dans ma famille, tout le monde est dans cette situation. Je ne vois pas pourquoi je n’en serais pas solidaire. Je pense que désormais les Gilets jaunes ont changé de couleur. Ils ont bien compris un truc : si tu ne veux pas devenir borgne, tu ne t’habilles pas en jaune. Le Gilet jaune est rentré dans la clandestin­ité. C’est l’armée des ombres, et je me sens de cette armée. J’ai toujours chanté ça. Le Gilet jaune est un Dieu humilié qui va se venger. Prendre les Gilets jaunes pour des sous-produits d’humanité à qui il suffit de donner du pognon pour qu’ils ferment leur gueule, c’est dégueulass­e… Quand on habite à la campagne, c’est très sensible. La dernière tentative de négociatio­n, c’était ce mouvement. Le prochain épisode va être terrible. La raison, c’est terminé. Et j’ai un assez bon feeling avec les catastroph­es : quatre ou cinq mois avant le Bataclan, j’avais imaginé un massacre sur des terrasses ( Interroge la jument sur l’album Morituri – ndlr).

Quelles sont tes références musicales sur ce nouveau disque ?

Earth, Wind & Fire ! (Il fait de la air guitar) Toutes les parties de Philip Bailey (percussion­niste et chanteur du groupe

– ndlr), je les connais par coeur. C’est le point de rencontre entre Denis (Clavaizoll­e – ndlr) et moi. Au bout de vingt ans de travail ensemble, il m’a offert un coffret d’Earth, Wind & Fire et m’a dit : “Dans le fond, je sais bien que c’est ça que tu préfères !” Et effectivem­ent, dans le fond, c’est ça que je préfère. Après, sur ce disque, j’étais au fond du trou, et quand t’es au fond du trou, tu ne vois rien. T’es sourd et aveugle. J’ai donc écrit des chansons en sourd et aveugle. J’étais dans la pénombre.

Comme à l’accoutumée, tu prépares déjà l’album suivant ?

C’est cool. Je prépare un album de dix ou douze chansons d’Adriano Celentano, à la fois en français et en italien. Je n’écoute que de la chanson italienne. J’en ai marre de l’anglo-saxon. La variété italienne ou espagnole me stimule beaucoup plus. Je peux enfin assouvir ma grande passion pour Celentano.

Ce sera le prolongeme­nt d’Il Francese ?

Non, c’est encore une parenthèse. Mais aussi un pivotement. Moi qui ai suradoré Drake par exemple, je ne peux plus l’entendre. Il vide la langue de toute sa substance. On attend tous le Kendrick (Lamar – ndlr) avec impatience, mais j’ai peur. Pourvu que Kendrick ne se plante pas. (Il joint les mains pour prier) Si Kendrick se plante, c’est terminé, je n’écoute plus que de la musique des pays de l’Est.

Il y a aussi Frank Ocean, que tu affectionn­es tant…

Oui, mais Frank Ocean… (Il regarde vers le plafond) C’est comme Proust. Ses errances dans Miami pourraient avoir lieu dans Paris. C’est un génie. Heureuseme­nt qu’il existe. Il est très fort. Allô maman, qui suis-je ?

Baby Love (LE LABEL/PIAS), sortie le 6 mars

Playlist exclusive de Jean-Louis Murat à écouter sur l’appli Inrocks

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A Paris, en février
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