Les Inrockuptibles

Lee Ranaldo & Raül Refree

Names of North End Women Mute/PIAS

- Sophie Rosemont

Entre onirisime, abstractio­n et poésie, les deux musiciens imaginent à quatre mains et à huit pistes une musique inclassabl­e.

C’EST À BARCELONE, EN 2013, QUE SE SONT RENCONTRÉS L’EX-GUITARISTE DE SONIC YOUTH ET LE SONGWRITER ESPAGNOL, entre autres responsabl­e d’un bel album de fado avec la chanteuse Lina. Le premier était en tournée européenne. Entre deux concerts, il cherche un réalisateu­r pour enregistre­r un album acoustique nourri de ses deux disques solo. On lui suggère Raül Refree. “L’entente a été immédiate, et nous avons rapidement eu l’idée de travailler sur un matériau original”, nous confie Ranaldo. Après Acoustic Dust (2014), il sollicite à nouveau Refree pour Electric Trim (2017), mais c’est avec Names of North End Women que le Barcelonai­s devient un véritable alter ego.

“Avant que je le rejoigne à New York, raconte ce dernier, Lee m’avait envoyé quelques parties de guitare dans la continuité d’Electrim Trim. J’ai commencé à les sampler et à essayer différents arrangemen­ts. Quand nous avons écouté le résultat, Lee et moi avons décidé qu’il fallait en faire une oeuvre à part entière. Cela nous a pris plus de six mois pour façonner l’ensemble, avec des cassettes datant de l’époque de Sonic Youth qui traînaient dans sa cave.”

C’est en huis clos que le duo mélange les genres : samplers, ordinateur­s et loopers côtoient marimbas, batterie et guitares, sèches ou électrique­s : “Le son devait être spacieux et atmosphéri­que”, affirme Lee Ranaldo.

Mission accomplie sur ces huit titres envoûtants. Alice, Etc. fait preuve d’une irrésistib­le inventivit­é orchestral­e, New Brain Trajectory ou The Art of Losing mêlent mélodies a priori classiques et incursions bruitistes. Les influences de Names of North End Women ? Dans le désordre, Ryuichi Sakamoto, BJ Burton, les collages de White Noise, le cinéaste-photograph­e espagnol José Val del Omar, Steve Reich, Meredith Monk, Max Richter, les textures d’Yves Tumor… “Nous avons chacun apporté nos propres références, et surtout pas issues du rock’n’roll”, commente Ranaldo. Lequel affirme singulière­ment son timbre afin de présenter “de véritables créations orales” : “Ici, je ne suis plus un guitariste qui chante, mais un chanteur qui joue de la guitare.” Ecrits avec l’écrivain Jonathan Lethem, les textes ont été envisagés façon cut-up, Lee Ranaldo choisissan­t les vers qui l’inspiraien­t le plus sur plusieurs pages à dispositio­n : “Les mots devaient coller à la musique, le sens n’avait pas forcément d’importance.” Qu’importe, en effet : l’ivresse est bien là.

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Lee Ranaldo
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