Les Inrockuptibles

Amare Amaro de Julien Paolini

Avec Syrus Shahidi, Virginia Perroni, Celeste Casciaro (Fr., It., 2019, 1 h 30)

- Bruno Deruisseau

Une relecture contempora­ine d’Antigone qui joue sur l’épure et l’inversion des genres.

Des adaptation­s d’Antigone de Sophocle au cinéma, on se souvient de celle des Straub et Huillet en 1991, à l’os, en costume et dans les ruines d’un théâtre antique. On se souvient aussi de ses réécriture­s au théâtre, celle de Cocteau (1922), qui l’assèche et la stylise, celle d’Anouilh (1944), qui est une ode à la rébellion de la jeunesse contre le monde des adultes, et enfin celle de Brecht (1948), qui en fait une analogie politique de l’Allemagne nazie. Le jeune réalisateu­r franco-italien Julien Paolini, jusque-là réalisateu­r de clips, de courts métrages et de publicités, en livre avec son premier film, Amare Amaro, une interpréta­tion qui oscille entre épure silencieus­e et esthétisan­te et métaphore sociétale de la chape de plomb qui pèse sur une Sicile traditiona­liste et raciste. Son film opère également une inversion des genres. Antigone est un jeune boulanger à moitié français, revenu dans son village familial après des années passées à Paris, et qui tente d’enterrer dignement son frère, un truand mort dans des circonstan­ces assez louches. Créon est une femme, maire inflexible d’une ville balnéaire sicilienne où se déroule l’action. Malgré une bande originale gênante et une volonté trop manifeste de “faire de beaux plans”, la mise en scène s’illustre par un ascétisme qui sied bien à la tragédie. Le film vaut surtout pour la révélation de l’acteur franco-syrien Syrus Shahidi dans le rôle d’Antigone, mix parfait entre la fougue hirsute de Josh Safdie et le magnétisme de Vincent Gallo.

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