Marie Cosnay

If Editions de l’Ogre, 200 p., 16 €

A travers l’histoire mouvementée d’une famille, ce texte hybride explore notre relation au passé colonial.

La production éditoriale de Marie Cosnay est prolifique et multiforme. En octobre, elle a signé avec le philosophe Mathieu Potte-Bonneville Voir venir. Ecrire l’hospitalité, un livre qui démonte les discours démagogiques sur l’immigration. Au printemps 2019, elle publiait Les Enfants de l’aurore, qui montrait les héros de l’Illiade comme de jeunes gens en exil. En 2018, sortait Epopée, un envoûtant polar politique. Aujourd’hui, voici un texte composite, à la fois fiction, enquête historique et récit personnel. Cosnay part du château d’If où a été enfermé l’Edmond Dantès de Dumas pour construire une réflexion sur notre relation au passé colonial et à la Méditerranée. En se penchant sur les origines obscures d’un Français né en Algérie, Mohamed Bellahouel, elle déconstruit tous les clichés. L’écrivaine questionne les enfants de cet homme, fouille les archives officielles, souligne la brutalité oubliée de l’époque coloniale et surtout, comme dans ses textes précédents, laisse émerger la complexité : son personnage a changé plusieurs fois de patronyme et on ignore s’il était d’ascendance française, algérienne, italienne ou espagnole. Le travail de Cosnay, toujours porté par son engagement politique, se distingue une fois encore par ses choix formels : ici une enquête où elle se montre attentive aux mots utilisés par ses interlocuteurs autant qu’aux faits qu’elle découvre.