Le péril jeune
Avec son premier album, LUCRÈCE ANDREAE offre un reflet complexe et vivant de la jeunesse actuelle, entre rêve, doutes et luttes.
JEUNE PHOTOGRAPHE, CLARA CÉLÈBRE SA PREMIÈRE EXPOSITION. Sortant du vernissage, elle dénigre son travail, déplore le peu de risques qu’elle prend. Un coup de téléphone de sa mère lui donne l’occasion de sortir de sa zone d’inconfort : sa petite soeur Axelle, avec qui elle est brouillée, vient d’avoir un accident de scooter. Malgré cette brouille, Clara souhaite s’occuper d’Axelle, mais celle-ci refuse son aide et part, seule, en fauteuil roulant…
Flipette et Vénère est centrée sur deux jeunes femmes d’aujourd’hui, l’une qui doute et s’interroge, l’autre qui fonce et agit. L’eau et le feu, pour ainsi dire. L’énergie de son récit, la dessinatrice Lucrèce Andreae la tire ainsi de la confrontation explosive de deux tempéraments opposés qui campent sur leur position, quitte à aller au clash verbal. Minimal et stylisé, son graphisme, servi par des couleurs vives et élégantes, valorise les émotions par le biais de grandes cases contemplatives ou de pages dialoguées et très nerveuses.
Réalisatrice de films d’animation
– dont Pépé le morse (2017), intrigant court métrage sur la famille et le deuil récompensé d’un César en 2018 –, Lucrèce Andreae démontre avec ce premier album un sens impressionnant de la mise en scène. Son découpage, jamais monotone, permet en effet à ces êtres de papier d’évoluer, sous nos yeux, avec beaucoup de vivacité dans des espaces intimes ou publics.
Il est beaucoup question, ici, de quêtes individuelles mais aussi de luttes collectives. Axelle baigne en effet dans le milieu militant et alternatif que sa soeur découvre, malgré ses réticences initiales. Clara essaie, elle aussi, de venir en aide à celles et ceux qui sont plus démuni·es qu’elle et comprend que rien n’est facile.
Embrassant de manière organique plusieurs sujets contemporains
– les moyens d’agir en politique, la place de l’artiste dans la société, s’engager en amour, le harcèlement, etc. –, Lucrèce Andreae livre un portrait bouillonnant de la jeunesse actuelle. Les répliques fusent, le langage cru s’étale dans des phylactères qui, comme beaucoup de personnages en colère, se heurtent et s’emportent. Tout en évitant un propos manichéen, l’autrice parvient à donner à son histoire une fin convaincante et porteuse de sens.