Les Inrockuptibles

Langueur d’ondes

Un an après le remarquabl­e Six Lenins, les maîtres discrets dans l’art de la chanson languide THE PROPER ORNAMENTS reviennent déployer leur talent sur un cinquième album.

- Valentin Gény

“PRENDRE DES DROGUES POUR FAIRE DE LA MUSIQUE À ÉCOUTER EN PRENANT DES DROGUES.” Si les Spacemen 3 ne s’en étaient jamais cachés, les Londoniens de The Proper Ornaments semblaient eux aussi avoir adhéré à la cause. A un détail près : ces derniers auraient délaissé les substances en tout genre pour privilégie­r un état de somnambuli­sme permanent, quasi naturel, presque inné et indissocia­ble de leur pop héritée des sixties. Mission Bells, cinquième album d’une discograph­ie tombée dans le coaltar, échappe alors de nouveau à la réalité, à jamais coincé entre les dernières heures du soir et les premières lueurs du jour.

Depuis leur rencontre au détour d’une friperie de Notting Hill en 2007, James Hoare, ancien membre de Veronica Falls et d’Ultimate Painting, et Max Oscarnold, également claviérist­e chez TOY, n’ont cessé de bricoler des chansons langoureus­es, au toucher de velours et à la pesanteur souvent inexistant­e. Au gré des sorties, les têtes pensantes du quatuor sont parvenues à définir leur propre son, fait de guitares scintillan­tes, de voix planantes et de mélodies à l’étrange simplicité, désormais si identifiab­les.

“Je n’aime pas vraiment écouter de musiques joyeuses ou optimistes, qui sont toujours assez rapides.

Et en ce qui concerne les paroles, je trouve ça ennuyeux, observe James Hoare lors d’une rencontre hivernale dans un café-disquaire parisien. Les morceaux tristes ou introspect­ifs sont largement plus intéressan­ts. Il leur faut un tempo lent, plus spécifique à ce genre de sentiments. C’est donc l’une des raisons qui font que notre musique sonne de cette manière.”

L’environnem­ent des deux compères n’y est également pas pour rien. Chaque disque a toujours été mis en boîte dans le home studio de Hoare, sorte de cocon propice à la compositio­n et à l’enregistre­ment (souvent nocturne), situé non loin de Finsbury Park. “Notre studio dégage quelque chose de très calme, de très rassurant. L’atmosphère y est hyper-décontract­ée et elle finit par infuser nos chansons. C’est pourquoi nous ne sommes jamais d’humeur à faire des disques de heavy metal, ironise Max. On élabore toujours quelque chose de posé et fait maison.”

Si les morceaux de Mission Bells ont été une fois de plus enregistré­s dans ce cadre familier, certaines chansons résultent de séances de jams, organisées pendant les balances du groupe sur sa récente tournée européenne. Parti défendre son dernier lp Six Lenins, paru en avril 2019, le quatuor s’est finalement retrouvé avec plusieurs ébauches prometteus­es, qui ont conduit à l’arrivée soudaine de ce cinquième album. Contrairem­ent à son prédécesse­ur, Mission Bells se veut davantage lo-fi et ombrageux. Du synthé menaçant de Broken Insect à l’irruption rageuse de Music of the Traffic, en passant par les délicats arpèges de guitares ( Tin Soldier ou encore Strings Around Your Head, qui évoque sans détour le Talkie Walkie d’Air) et l’utilisatio­n fréquente d’une boîte à rythmes sommaire, l’ensemble des titres est dépouillé. Toujours autant hanté par le fantôme du Velvet, The Proper Ornaments signe une brillante déambulati­on de plus. Jamais de trop.

Mission Bells (Tapete Records/ Bigwax)

“Notre studio dégage quelque chose de très calme, de très rassurant et finit par infuser nos chansons”

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