Arnaques et archéologie
Toujours sous l’égide du trio GRÉGOIRE JARRY, LUCIE CASTEL ET NICOLE AUGEREAU, suite et fin du récit des passionnants voyages en Egypte et en Nubie d’un authentique couple d’aventuriers.
QUAND, DE RETOUR D’UN SÉJOUR EN EGYPTE, Grégoire Jarry et Nicole Augereau sont tombé·es sur les mémoires de Giambattista Belzoni (1778-1823), ils ont découvert un incroyable filon romanesque. La vie de l’Italien (et celle de son épouse) ressemble en effet à de la pure fiction, à la fois prenante et invraisemblable.
Rêvant de devenir ingénieur hydraulique, Belzoni finit par incarner dans un cirque anglais le colosse capable de tordre les barres de fer à mains nues. Il épouse dans la foulée l’Anglaise Sarah Banne, la femme-girafe de la troupe. Il suffira au couple de croiser un émissaire du pacha d’Egypte pour que, à la suite de ce coup du destin, il s’embarque dans une aventure inattendue de quatre ans. Quand ils reviendront en Angleterre, les Belzoni ne seront plus des saltimbanques mais, à force de découvertes et d’audaces – comme leur descente du Nil avec un buste géant de pharaon –, jouiront d’un prestige nouveau, celui d’explorateurs et d’archéologues improvisés.
Adaptant (comme les précédents) le récit de voyage de Giambattista et le journal de Sarah, ce troisième tome raconte la fin, mouvementée, de leur périple. Le couple poursuit alors des intérêts souvent séparés : l’un part à Louxor entreprendre de nouvelles fouilles quand l’autre, habillée en homme, va en Palestine pour des études quasi sociologiques.
Rendue encore plus nerveuse par l’usage, dans les dialogues, d’une langue moderne, cette bande dessinée ne glorifie pas les premiers égyptologues mais montre la réalité crue d’Européens prêts à toutes les bassesses pour ramener des antiquités et écraser la concurrence. Les Belzoni, impulsifs mais plus honnêtes que la moyenne, doivent éviter bien des sales coups dans ce nid de crabes colonialistes. Le parti pris de Lucie Castel, qui consiste comme elle aime le résumer à “piller les pillards”, sert au mieux cette reconstitution de papier.
En effet, son trait au crayon vif et précis se mêle parfois à des gravures européennes datant du XIXe siècle. Elle s’en sert comme de samples qui lui fournissent une matière première graphique empreinte d’authenticité et d’une majesté désuète. Grâce à sa forme hybride et à son ton moderne, cette trilogie renouvelle la BD historique comme Révolution de Florent Grouazel et Younn Locard, récemment récompensée par le Fauve d’or au festival d’Angoulême.