Les Inrockuptibles

Pop ascensionn­elle

Après des mois de hype, les Londoniens de SORRY sortent un premier album sur lequel leur étrangeté n’a jamais aussi bien sonné.

- Cyril Camu

“JE NE SAIS PAS SI NOUS FERIONS DE TRÈS BONNES CÉLÉBRITÉS”, opine Louis O’Bryen, grand garçon pas très bien réveillé. Drôle de confession, d’autant que ces derniers jours n’auront pas été de tout repos pour le Londonien et sa complice de toujours Asha Lorenz. Il n’est pas encore 11 heures en ce matin de février et les deux Anglais, 22 ans l’un comme l’autre, ont déjà plusieurs interviews transconti­nentales dans les pattes. Pour les deux cerveaux de Sorry, c’est un peu maintenant ou jamais. Voilà déjà plus de deux ans que la presse outre-Manche a fait du groupe du nord de la capitale ses wonderkids préférés. Pourtant, à voir leurs regards blasés, ils se soucient de la hype comme de leur première production. “A vrai dire, on se moque un peu de tout ça dans nos chansons”, confirme Asha.

Le titre même de leur premier disque, 925, en est d’ailleurs un indice, encore faut-il être amateur de numismatiq­ue. L’argent 925, aussi surnommé l’argent Sterling, était le métal qui composait la monnaie dans l’empire britanniqu­e il y a encore cent ans. Un moyen futé pour les deux de prendre de la distance avec les attentes qu’ils suscitent. Tout au long de l’album, Sorry semble entretenir une relation conflictue­lle avec sa célébrité naissante, tantôt objet de fantasme – “Les rêves dans lesquels nous sommes connu·es sont les meilleurs que j’ai jamais faits”, chantent en choeur les deux amis d’enfance sur l’inaugural Right Round the Clock –, tantôt aimant à convoitise et, surtout, à parasites. “Il me raconte que je suis faite de pur argent 925”, balance, plus goguenarde que dupe, la jeune Asha sur le bien nommé Rock’n’Roll Star.

Sorry n’est d’ailleurs pas à une contradict­ion près. Les deux Anglais semblent même en faire le moteur de leurs chansons curieuses et familières, qu’elles parlent de sexe ou d’amour. S’il est ici souvent question des rêves, ce n’est pas un hasard tant les morceaux de Sorry trouvent leur étrangeté dans les chemins tortueux empruntés, plutôt que dans les instrument­s ou les sons utilisés. “Nous ne voulions pas faire un album de rock, explique Asha. D’ailleurs, je n’aime pas trop nos premiers singles grunge…”

La guitare doit à présent faire avec un saxophone, comme directemen­t sorti de la Black Lodge de Twin Peaks, tandis que, scindée en deux voix, la narration ne se fait pas toujours linéaire.

Asha et Louis ont longtemps composé et enregistré dans leurs chambres à coucher. Ce premier effort aurait sans doute pu finir comme ça, mais eux sentaient qu’il était temps de repousser leurs limites. Leur ambition : partir des demos qu’ils bricolent depuis leurs plus jeunes années et en faire un disque pop. Ce n’est sans doute pas tout à fait une coïncidenc­e si certaines de leurs paroles font écho à Oasis, Pulp ou encore aux Stone Roses. Dans cette quête, l’aide de James Dring, collaborat­eur de Damon Albarn, sera déterminan­te. “Il a réussi à donner à nos morceaux un son bien plus large”, explique Louis. Car s’ils font partie d’une génération neurasthén­ique pas toujours très portée sur la mélodie, comme leurs copains de Shame et black midi, Louis O’Bryen et Asha Lorenz n’ont pas peur d’écrire des chansons addictives et généreuses, aux refrains qui ne craignent jamais d’être populaires. Il faudra bien que ces deux-là l’admettent.

925 (Domino/Sony Music)

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