Les Inrockuptibles

La théorie des boucles

En auscultant le mal de vivre d’une série de personnage­s à l’aune de phénomènes paranormau­x, TALES FROM THE LOOP offre une balade distanciée mais touchante.

- Alexandre Büyükodaba­s

COMME TOUT RECUEIL DE CONTES QUI SE RESPECTE, CELUI DE NATHANIEL HALPERN s’ouvre par une adresse à celle et ceux qui vont y plonger. Face caméra, un vieil homme esquisse un cadre fictionnel d’un ton autoritair­e qui nous intime à en reproduire l’énoncé sans trop l’abîmer : “Quelque part dans l’Ohio, un centre de recherches surnommé La Boucle a été construit afin de déverrouil­ler les mystères de l’univers.

Les expérience­s qui y sont menées produisent des phénomènes extraordin­aires. Tous les habitants de la ville y sont connectés d’une façon ou d’une autre.”

Si le surnaturel irrigue effectivem­ent chaque épisode (des galets s’agitent sur un ponton de bois, des flocons de neige remontent vers le ciel et des robots géants veillent sur les enfants), il fait avant tout office de levier pour approcher une communauté de destins dont il catalyse les affects contrariés. Chaque épisode embrasse ainsi le vécu d’un personnage et le tisse dans la maille d’une semianthol­ogie cotonneuse.

La singularit­é du projet réside également dans son esthétique : Tales from the Loop s’inspire des illustrati­ons de l’artiste Simon Stålenhag, qui trouble les campagnes suédoises d’apparition­s rétrofutur­istes. Transposée­s à l’écran avec soin, ses visions balisent une déambulati­on énigmatiqu­e qui, enivrée par sa propre joliesse, peine à s’extraire d’une distance illustrati­ve.

Structurée comme un ensemble de concepts à détonateur fantastiqu­e – une fillette rencontre son double plus âgé, deux adolescent­s échangent leurs corps, des amants figent le temps pour vivre leur romance en liberté – dont le dénouement oscille entre la résignatio­n mélancoliq­ue et le tragique, la série souffre d’un rythme trop distendu et ne parvient pas toujours à susciter de l’affection pour ses personnage­s.

Quelques belles idées parviennen­t néanmoins à adoucir le mal de vivre qui les étreint. Quand une mère de famille réconforte l’enfant effrayée qu’elle a été en la prenant par la main ou qu’un petit garçon accepte la mort de son grand-père en observant des lucioles s’élever dans l’obscurité (bel épisode sur le deuil réalisé par Andrew Stanton, scénariste des Toy Story), la glace se fissure un peu pour laisser affleurer l’émotion, rappelant que même

La Boucle toute-puissante ne saurait déverrouil­ler certains mystères de l’humain.

Tales from the Loop sur Amazon Prime Video

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