Les 50 meilleures comédies américaines des années 2000-2020
Notre sélection de films pour prouver que le rire peut sauver de tout, ou presque. Comédies potaches ou subtiles, douces-amères ou caustiques, de quoi envisager le présent de manière plus légère.
Entre comédies loufoques et comédies ancrées dans le réel, le rire peut guérir de tout, ou presque
Jean-Marc Lalanne TEXTE Emily Barnett, JD Beauvallet, Patrice Blouin, Bruno Deruisseau, Marilou Duponchel, Julien Gester, Jacky Goldberg, Murielle Joudet, Jean-Marc Lalanne, Jean-Baptiste Morain, Léo Moser, Vincent Ostria, Olivier Père, Axelle Ropert, Théo Ribeton, Léo Soesanto
2000 / Fous d’Irène de Peter et Bobby Farrelly
Fous d’Irène relance un couple archiclassique de comédie : le faible et le fort, le sado et le maso (Laurel et Hardy, de Funès et Bourvil), avec Jim Carrey, l’acteur le plus disjonctif de sa génération, dans la peau de l’un et de l’autre. Il suffit d’une variation d’octave, d’un plissement d’oeil pour que se distinguent Charlie le mou et Hank le furieux. Et tous deux existent avec une densité telle que le film peut rapidement brouiller la donne, montrer Hank se faire passer pour Charlie, voire les faire exister ensemble, l’acteur se débattant dans une transe schizophrène inénarrable.
Exceptionnel comme jamais, surface expressive de la tête au pied, Jim Carrey se jette contre les murs, roule sur le sol, s’étrangle, enfonce son doigt dans ses plaies, avance en se rouant de coups, tout entier transformé en champ de bataille schizoïde. Dans ces montées d’autotorture masochiste, l’acteur fait basculer le film de la pure comédie à une sorte d’inquiétude universelle. Il est l’homme contemporain de l’entre-deuxsiècles, dévasté par toutes sortes de
somatisations barbares, corps au supplice martyrisé par lui-même.
(Me, Myself & Irene) Avec Jim Carrey, Renée Zellweger (1 h 56), sur Canal VOD
2000 / Eh mec ! elle est où ma caisse ? de Danny Leiner
Deux crétins postpubères à la mâchoire molle se réveillent un matin avec la gueule de bois et la mémoire qui flanche : qu’ont-ils fait de leur voiture ? Qu’ont-ils fait de leur soirée ? Qu’ont-ils fait de leur jeunesse ? Il s’avère très vite que leur quête triviale d’une caisse et d’un souvenir coïncide avec celle d’une sorte d’engin bizarre appelé “rupteur temporel”, perdu et recherché par ses gardiens extraterrestres au physique bodybuildé et à l’accent nordique. Le rupteur étant aussi convoité par des pin-up extraterrestres prêtes à payer de leur corps pour se l’accaparer et par une secte bien terrestre, celle des adorateurs de Zoltan (un jeune homme qui vit chez ses parents et qui impose à ses adeptes le port de la combinaison spatiale en papier bulle), le film atteint des sommets dans le délire. Il y a quelque chose du cinéma de Jerry Lewis dans ce film fort peu vulgaire, sans prétention, sans intention parodique, plein d’invention, drôle et poétique, qui assume sans coup férir et sans vergogne son statut de film comique débile.
(Dude, Where’s My Car ?) Avec Ashton Kutcher, Seann William Scott, Jennifer Garner (1 h 23), sur Canal VOD, Orange
2001 / Zoolander de Ben Stiller
Satire hilarante de la célébrité et du monde de la mode, Zoolander a été distribué à sa sortie de façon quasi confidentielle, comme si la charge caricaturale de son propos était trop sophistiquée et subtile pour le grand public. Ce n’est que dans le temps de son exploitation vidéo qu’il a généré un véritable culte. Derek Zoolander est un top-model totalement débile, superficiel et narcissique. Le vide qui règne dans son cerveau attire l’attention d’une puissante organisation secrète qui utilise les mannequins mâles comme des machines à tuer : ces marionnettes humaines sont en parfaite condition physique et leur cerveau est aussi malléable que de la pâte à modeler. A cette intrigue d’espionnage
s’ajoute la rivalité entre deux modèles, Zoolander et le hippie Hansel (Owen Wilson).
Puisant dans le réservoir de l’idiotie contemporaine, source intarissable de situations comiques et de gags, le film peut également se regarder comme une adaptation pirate et déjà parodique du Glamorama de Bret Easton Ellis, avec son univers artificiel, sa culture du vide et ses fashion conspirations. O. P.
(Zoolander) Avec Ben Stiller, Owen Wilson, Christine Taylor (1 h 30), sur MYTF1VOD, Canal VOD
2001 / La Revanche d’une blonde de Robert Luketic
Qu’est-ce que la bêtise ? La comédie américaine a souvent été le véhicule de ce questionnement, mais quasiexclusivement d’un point de vue masculin. Se demander ce qui est bête pour une femme, c’est l’ambition de
La Revanche d’une blonde. Elle Woods (Reese Witherspoon, extraordinaire) est un cliché sur talons hauts de féminité exacerbée : blonde pulpeuse, séductrice, en apparence superficielle et écervelée, collectionneuse d’accessoires rose bonbon, maîtresse d’un chihuahua et girlfriend du plus joli garçon du campus. Le problème est que ce dernier ne la juge pas assez “classe” pour être la future femme du sénateur qu’il ambitionne de devenir après son passage à Harvard et il la largue.
A partir de là, Elle (pronom qui embrasse le destin du genre féminin tout entier) va prouver à son petit copain, à elle-même et au monde que son extrême girlyness est une puissance et non pas une faiblesse, et que derrière elle se cache une intelligence qui dépasse celle de la classe dominante qui voudrait l’enfermer dans un cliché. En plus d’être une irrésistible comédie, La Revanche d’un blonde est un grand film politique, féministe et qui, des années avant le mouvement MeToo, dénonce puissamment le harcèlement et le patriarcat dont sont victimes les femmes. B. D.
(Legally Blonde) Avec Reese Witherspoon, Luke Wilson, Selma Blair (1 h 36), sur Canal VOD
2003 / Deux en un de Peter et Bobby Farrelly
Les deux héros du film, Bob et Walt Tenor (Matt Damon et Greg Kinnear), sont deux freaks : deux frères siamois.
Leur gémellité singulière est considérée par tous les autres personnages comme une particularité physique anodine, qui permet aussi au spectateur de se retrouver dans cette incarnation d’un fantasme universel, celui du double parfait. Pourtant, Bob et Walt sont différents. L’un, Bob, est introverti, l’autre, Walt, est extraverti ; Bob se satisfait de leur vie, tandis que Walt, comédien amateur, veut prendre le risque de tenter sa chance à Hollywood. Or, les frères Tenor n’ont pas de famille, ils se la sont constituée, avec d’autres freaks comme eux.
Hors de ce petit monde parfait et tendre, comment survivront-ils ? L’aventure des frères Tenor (et donc des frères Farrelly) consistera donc à : 1) faire un, faire tenir dans le cadre deux êtres indissociables et encombrants ; 2) se séparer physiquement mais pas affectivement ; 3) mêler la joie et les peines. Comment coïncider sans fusionner, comment aimer sans trop sacrifier de sa personnalité, comment accepter l’idée que l’alter ego mourra un jour ? Par le rire et les larmes confondus.
(Stuck on You) Avec Matt Damon, Greg Kinnear, Eva Mendes (1 h 58), sur MYTF1VOD, Canal VOD
2004 / Lolita malgré moi de Mark Waters
Lindsay Lohan, alors nubile, joue une jeune fille, éduquée en Afrique, qui découvre à 16 ans les codes de la vie en lycée. Cette hypothèse met à plat toutes les lois du teen movie, observées du point de vue candide du personnage. La réussite de Lolita malgré moi tient surtout à l’implication de l’actrice et scénariste Tina Fey (membre éminente du Saturday Night Live).
Au travers de rebondissements inattendus, le film développe avec une belle cohérence une réflexion assez drôle sur l’individu et la société, propre à aller droit au coeur des rousseauistes en culottes courtes. P. B. (Mean Girls) Avec Lindsay Lohan, Rachel McAdams, Tina Fey (1 h 37), sur Orange, MYTF1VOD, Canal VOD
2004 / La Vie aquatique de Wes Anderson
Miné par la perte d’un de ses coéquipiers dévoré par un mystérieux requin-jaguar, inquiet de l’intérêt déclinant que suscitent ses reportages sur les fonds marins, l’océanographe Steve Zissou entrevoit un salut dans la rencontre d’un jeune homme, Kingsley (le merveilleux Owen Wilson), dont la mère fut sa maîtresse et qu’il pense être son fils. Dès lors, le père et le fils de fortune s’embarquent dans une
nouvelle Odyssée à la chasse au requin... Les personnages de Wes Anderson ont le calme un peu éteint, le détachement désabusé des grands rescapés, du coup, l’air qui circule est étrangement pacifié. Avec son faux rythme, sa loufoquerie à plat, ses pastiches de scènes d’action à la Godard années 1960 et son cafard de ballade folk parfaitement ciselée, La Vie aquatique est un film beau et émouvant. J.-M. L.
(The Life Aquatic with Steve Zissou) Avec Bill Murray, Anjelica Huston, Owen Wilson, Cate Blanchett, Willem Dafoe (1 h 59), sur MYTF1VOD, Orange, Canal VOD
2004 / Napoleon Dynamite de Jared Hess
La légende veut qu’à sa sortie le film ait vidé les salles. Faux : comme dans beaucoup de pays, il est sorti directement en DVD – il a au mieux vidé les salles à manger. Erreur monumentale : c’est au troisième visionnage que ce film à l’humour effrontément horizontal, lent et absurde se révélait dans toute sa splendeur lamentable, porté par des dialogues aussi laconiques que cultes et, surtout, par le corps tout embarrassé de lui-même du génial Jon Heder.
Boudeur consternant, dragueur minable, saucisse infinie à la Jarvis Cocker et danseur grandiose, l’Américain, culotté, démarrait sa carrière en s’enlaidissant, en se ridiculisant. Plutôt beau gosse, mais avec cet air nigaud, largué et nullard qu’il incarne à merveille, il rejoindra logiquement ensuite l’aristocratie des comiques navrants (Will Ferrell, Luke Wilson...) pour Les Rois du patin ou se remettra minable pour L’Ecole des dragueurs. JD. B.
(Napoleon Dynamite) Avec Jon Heder, Jon Gries, Aaron Ruell, Efren Ramirez, Diedrich Bader (1 h 36), sur Google Play Movies, Microsoft Store, YouTube, iTunes
2004 / Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy d’Adam McKay
En France, l’un des pays qui avaient totalement raté la sortie de ce film, l’avènement de YouTube a offert à ce chef-d’oeuvre d’humour navrant une seconde vie, permettant aux disciples fraîchement convertis de partager scènes cultes et répliques imparables. Il faut dire qu’avec un tel casting on ne pouvait espérer qu’une monstrueuse surenchère dans la gaudriole. Mais peut-être pas ces moments où l’absurde, voire le surréalisme, dépasse les bornes.