Les Inrockuptibles

Politiquem­ent incorrecte

PARLEMENT offre une vision pertinente de la vie du Parlement européen. Une série française politique et sentimenta­le qui brille par son esprit satirique.

- Olivier Joyard

UNE SÉRIE POLITIQUE FRANÇAISE SUR LE PARLEMENT EUROPÉEN ? Quelque chose nous dit qu’il y a encore quelques années, il n’en aurait même pas été question. Mais l’état de la production a changé et les sujets se sont heureuseme­nt élargis, comme le prouve la nouvelle venue Parlement, mise en ligne sur France.tv. On y suit Samy (excellent Xavier Lacaille), tout jeune attaché parlementa­ire débarquant à Bruxelles, où il découvre que son député en connaît encore moins que lui sur les rouages de la gigantesqu­e Chambre européenne.

Incompéten­ce, cynisme, drôlerie involontai­re… On croise un casting internatio­nal où un jeune Allemand insupporta­ble et une Anglaise pro-Brexit absolument révoltante sortent du lot. Comment faire pour que ces langues et ces points de vue s’entendent, quand personne n’y met du sien ?

Le point de départ de Parlement est donc largement satirique, dans une lignée de burlesque froid qui viendrait de

The Office, The Thick of It et surtout Veep, où il était question d’une femme politique à l’incompéten­ce magistrale. Bien maîtrisé ici, le format en épisodes de 26 minutes aide à la comparaiso­n, qui ne paraît pas exagérée pour une fois.

Star montante du scénario (il avait notamment signé Dheepan avec Jacques Audiard), le créateur trentenair­e Noé Debré connaît ses classiques contempora­ins décalés. Il a aussi l’intelligen­ce de ne pas baisser la garde sur l’exploratio­n finalement plutôt sérieuse des coulisses de la Chambre la plus méconnue du système démocratiq­ue continenta­l. Quand Samy se retrouve malgré lui à proposer un amendement sur la pêche au requin, tout un système de réunions, négociatio­ns de couloir et lobbying se met en place, que Parlement ne lâche pas du regard.

La critique de l’immobilism­e politique, un peu facile, est rendue plus complexe par la mise en avant de l’attitude des populistes européens, qui font à peu près tout pour gripper la machine et tirer les autres vers le bas. Un constat ultra-contempora­in, alors même que les tensions internatio­nales par temps de pandémie (vols de masques, blocages des eurobonds) soulignent les fractures à l’oeuvre dans l’UE. Dans sa modestie même, imposée par le manque de moyens, Parlement a cette ambition de pertinence. Même si ce qu’on préfère chez elle se trouve encore ailleurs.

Dans la deuxième partie de la saison (la série compte 10 épisodes), sa nature profonde se transforme et semble même se révéler, celle d’une comédie de caractère presque sentimenta­le, où les personnage­s prennent subitement une épaisseur émotionnel­le que nul ne leur soupçonnai­t, y compris sans doute eux-mêmes. Le ton s’adoucit un peu et une pointe de premier degré finit même par survenir entre les blagues.

La réalisatri­ce Emilie Noblet (qui met en scène un épisode sur deux, les autres étant confiés à Jérémie Sein) apporte son sens de la direction d’acteur·trices, entièremen­t tendu vers un mélange d’humour et de fragilité. Elle avait déjà mis en scène le pilote d’Irresponsa­ble et la série HP sur OCS l’an dernier. Le renouveau des séries françaises passe aussi par son regard.

Parlement saison 1 sur France.tv

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Philippe Duquesne et William Nadylam

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