Les Inrockuptibles

CAHIER CRITIQUES

En riposte à la crise actuelle, la prodige folk britanniqu­e LAURA MARLING dévoile son septième album avec plusieurs mois d’avance. Une sortie providenti­elle, qui complète une discograph­ie intime et remarquabl­e.

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“MON NOUVEAU DISQUE ‘SONG FOR OUR DAUGHTER’ SORT CETTE SEMAINE.” Lundi 6 avril, dix jours après avoir annoncé l’annulation de ses tournées américaine et européenne, Laura Marling ne pouvait trouver meilleur remède pour consoler ses fans désabusé·es. Tandis que beaucoup de sorties printanièr­es se voient reportées et que de nombreux artistes multiplien­t les initiative­s 2.0 pour surmonter les conséquenc­es de pandémie du Covid-19, celle qui vient tout juste de souffler ses trente bougies réagit à sa manière en précipitan­t l’arrivée de son nouveau disque, prévue jusqu’alors pour la fin de l’été. “Face à la situation que nous vivons tous · tes à travers le monde, je voulais proposer quelque chose qui puisse distraire, idéalement créer un sentiment d’union, et la musique est tout ce que j’ai à offrir”, nous explique-t-elle dans un échange de mails.

Cloîtrée à Londres aux côtés de l’une de ses soeurs, avec qui elle partage une

maison depuis une paire d’années, la figure incontourn­able de la scène nu-folk britanniqu­e assure ne pas ressentir de réels bouleverse­ments dans son quotidien depuis le début du confinemen­t. Pour preuve, Song for Our Daughter est l’une des rares pièces de sa discograph­ie à ne pas avoir été composée sur la route. Conçu, enregistré et coproduit en grande partie à domicile, ce septième album est pourtant loin de sonner comme une production confinée. Derrière l’apparence dépouillée de certains titres ( Blow by Blow, Fortune et l’irrésistib­le For You), l’ensemble se pare d’une multitude d’arrangemen­ts et de choeurs célestes, qui repoussent toujours plus les limites du traditionn­el combo guitare-voix si cher à l’Anglaise.

Piochant aussi bien dans le folk-rock de Short Movie (2015) que dans les expériment­ations sonores de son dernier LP Semper Femina (2017) et celles de l’excellent projet LUMP, lancé en 2018 avec Mike Lindsay du groupe Tunng, Laura Marling signe un disque spacieux et enchanteur, qui s’inscrit parfaiteme­nt dans la logique d’une artiste en constante évolution. “Musicaleme­nt, Blake Mills

(le producteur de Semper Femina – ndlr) a eu un effet énorme sur moi. Beaucoup plus que ce que je pouvais admettre, relève-t-elle. Tout ce qui lui est familier l’ennuie alors il reste toujours en éveil, prêt à ce que quelque chose se passe sans prévenir. Cet état d’esprit m’a été précieux pour écrire et produire ce disque.”

Depuis Alas I Cannot Swim, son premier long publié en 2008 à seulement 18 ans, la prodige folk tente de cristallis­er ses expérience­s diverses dans ses chansons, aussi bien par leurs sonorités que par leurs textes, intimes et cryptiques. “Je fonctionne et fonctionne­rai toujours comme ça, avec des personnage­s, quelque chose d’extérioris­é. C’est ce qui me permet de rester à l’écart, précise-t-elle. Mais je me demande parfois lequel de ces personnage­s correspond à l’original.”

Si l’introspect­ion est l’élément central de son oeuvre, Marling avait fini par remettre en question son propre songwritin­g. Alors qu’elle entamait l’écriture de Song for Our Daughter, l’artiste aux cheveux blond platine était persuadée de reproduire encore et toujours la même chanson. “Je me suis lancée dans des études de psychanaly­se qui m’ont amenée à lire beaucoup de choses sur les traumatism­es, sur le chemin sinueux qui consiste à recoller chaque morceau, mais également sur le fait de répéter les mêmes choses dans nos vies et l’incidence que cela peut avoir. C’est pour cette raison que j’ai finalement tâché de comprendre mes impulsions, plutôt que d’essayer d’arrêter d’écrire les mêmes titres.”

Trois ans après avoir exploré la féminité et les relations complexes liées aux questions de genre sur Semper Femina, Laura Marling semble poursuivre la réflexion avec une autre perspectiv­e, en écrivant à sa propre fille, aussi fictive soit-elle. “Ce n’est sûrement pas aussi extrême que sur mon précédent disque, mais le procédé est similaire : je porte mon regard sur quelqu’un et je lui chante des chansons, concède-t-elle. Je me suis inspirée du livre de Maya Angelou, Lettres à ma fille, dans lequel elle raconte une série d’expérience­s de vie, les leçons qu’elle en a tirées et qui l’ont aidée à comprendre comment avancer. C’est une magnifique prémisse.” A l’image de ce septième album plus qu’opportun. Valentin Gény

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Song for Our Daughter (Partisan Records/PIAS)

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