Les Inrockuptibles

Jean-Baptiste Mondino

- Propos recueillis par J.-M. L.

Le photograph­e a réalisé deux pochettes d’album pour Christophe, avec lequel il partageait un certain nombre de passions musicales. “J’ai réalisé deux pochettes d’album pour lui : en 1978, celle du Beau bizarre, devant un escalier de métro, lui dans une veste blanche et sa fille sur les marches ; puis, deux ans plus tard, celle de Pas vu pas pris, avec son épouse à ses côtés devant une vue de paysage tropical. J’avais acheté un énorme poster, que j’avais collé sur le mur. A l’époque, on ne pouvait pas faire d’incrustati­on numérique. L’image était très kitsch. Elle était, je crois, exactement ce qu’il voulait qu’elle soit. Il était toujours très précis dans ses demandes, un peu comme Prince. Il fonctionna­it par envie d’univers. Son goût était vraiment très spécial – ce que j’apprécie beaucoup. Il faisait tomber toute distinctio­n entre bon et mauvais goût. On finissait toujours par se sentir un peu ridicule à lui dire : ‘Non, ça c’est un peu ringard, ça c’est mieux...’ Il avait une vision et il fallait l’accepter en bloc.

En dehors du travail, on partageait une grande complicité sur la musique. On avait les mêmes obsessions, que ce soit le blues, le rockabilly, et ce jusqu’à des choses vraiment pointues, comme notre passion pour le groupe Lafayette, qui n’a sorti qu’un seul single. C’est une des personnes les plus fascinées par le son que j’aie rencontrée­s, jusqu’au son des voitures. Il adorait les prises avec beaucoup de réverb’, parce que l’écho était une des choses qui le touchaient le plus.

On ne se croisait pas souvent, car j’avais du mal à me plier à ses horaires. Mais nous nous envoyions beaucoup de mails, pour nous faire découvrir de la musique. Il n’avait aucune nostalgie de rien, tout en se passionnan­t pour des choses du passé. Il était totalement dans le présent, tout en étant très à part. Artistique­ment, il n’a jamais cessé de se bonifier avec l’âge, ce qui est rare. Et puis, surtout, dans notre époque où tout le monde risque de faire des burn-out à force de vouloir occuper tout le terrain par peur de disparaîtr­e, lui n’a jamais eu peur de s’absenter, de prendre son temps. Il ne cherchait pas à remplir l’espace, il l’explorait.”

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