Les Inrockuptibles

PRINTEMPS DE VIVRE

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Habitué·es du Printemps de Bourges Crédit Mutuel, artistes, tourneurs, labels managers, directeur·trices de festivals et journalist­es se replongent dans les souvenirs du festival fondé en 1977 et racontent, après l’annulation de la 44e édition en raison de l’épidémie du coronaviru­s, leur Printemps Imaginaire. SARAH SCHMITT, directrice de Rock en Seine Que représente, selon toi, le Printemps de Bourges ?

Le Printemps de Bourges est un subtil mélange entre pilier historique et activateur de renouvelle­ment artistique… Il porte bien son nom !

C’était quoi tes plans pour la 44e édition du Printemps 2020 ?

Si les iNOUïS sont un passage obligé quelle que soit l’édition, et si j’attendais avec impatience les concerts de Last Train et de Malik Djoudi, c’était la création Glory Dummy, célébratio­n du premier album de Portishead, qui devait se dérouler dans la cathédrale, que je n’aurais absolument pas voulu manquer !

Quel serait ton Printemps Imaginaire ?

Dans mon Printemps Imaginaire, il y a une prairie et du soleil !

SÔNGE, chanteuse et musicienne

Je vois le Printemps de Bourges comme une grande fête, l’occasion de partager ensemble. En tant qu’artistes, on passe beaucoup de temps dans notre bulle créative. L’inspiratio­n vient des rêveries, des souvenirs, la phase de création est toujours très personnell­e donc même si c’est un moment fabuleux, ce n’est pas un moment très communicat­if. Une fois la matière inventée, c’est le bonheur de la faire prendre forme, de la jouer sur scène dans des grandes fêtes comme le Printemps de Bourges - et c’est un régal.

Je devais faire un concert autour du répertoire de Boris Vian. Ça m’a donné l’occasion de lire tous ses poèmes, de m’engouffrer dans son univers. Ce genre de découverte­s influence ta manière de créer de la musique dans le futur, même si sur le moment tu n’en as pas encore conscience.

A l’affiche, ça serait Rihanna featuring Christophe. Pendant mon concert/DJ set hybride, j’inviterais tous les artistes de mon album : Twinsmatic, Eazy Dew, NKF, Ash Kidd, Phazz, Myd, KillASon, Sofiane Pamart, The Magician, Fhin, Pauli The PSM… Et après les concerts il y aurait un championna­t de quidditch.

YAN WAGNER, chanteur et musicien

Le premier rendez-vous musical de l’année, l’occasion de retrouver pas mal de visages familiers. La fête.

Nous avons travaillé avec Ulèle Lamore à la création Glory Dummy pour fêter les 25 ans du premier album de Portishead qui devait avoir lieu dans la Cathédrale Saint-Etienne de Bourges : un plateau de douze musiciens, une cheffe d’orchestre et cinq vocalistes de choc – Lou Doillon, Sandra Nkaké, Emily Jane White, Victor Solf et Malik Djoudi – pour ce qui s’annonçait comme le point d’orgue de mon année. Collaborat­ion rêvée, à l’image du festival.

Fat White Family, Childish Gambino, Charlotte Adigéry, Dâm-Funk dans un ascenseur (mais spacieux l’ascenseur, gestes barrières obligent).

JEANNE ADDED chanteuse et musicienne

Un des plus grands festivals français, un festival où pour les musicien·nes, il se joue des choses. Des choses pour démarrer, redémarrer, se confirmer, ou tout foirer, c’est un passage obligé. Beaucoup de tension mais aussi beaucoup de plaisir, ça va ensemble.

Le festival m’avait invitée à venir rendre hommage à Prince. Je les aime, mais je leur ai d’abord dit non. Trop grand, trop intime, trop peur. Et puis j’ai fini par trouver un moyen, quelque chose de très réduit, minimal, piano voix, avec mon ami et néanmoins immense musicien Bruno Ruder. Et je m’étais faite à l’idée et même plus, nous avions commencé à répéter avec enthousias­me… Well, peut-être une autre fois, qui sait ?

Personnell­ement, je préférerai­s que tout ça ne reste pas imaginaire trop longtemps. Alors je résiste un peu. Le Printemps de Bourges, ce sont les concerts évidemment, du plus petit au plus grand, le public immense, les odeurs de merguez, les hectolitre­s de gin-to engloutis, alors je veux bien encore imaginer quelques semaines, mais please, rendez-le nous. Lui et tous les autres. Merci, bisou.

ANTONIN DESPINS, responsabl­e booking chez Believe Live

J’ai beaucoup d’affection pour ce festival car je lui dois une grande partie de mon réseau et que c’est l’occasion de revoir beaucoup d’amis tous les ans. Le Printemps de Bourges est un des rendez-vous profession­nels les plus importants de l’année. En terme de saisonnali­té, il marque le coup d’envoi de la période des festivals.

Cette édition était très importante pour moi. Je viens de me lancer un nouveau challenge en rejoignant la société Believe (leader mondial de la distributi­on musicale numérique et des services aux artistes et labels indépendan­ts) avec pour objectif de développer une structure dédiée à la production live. Le Printemps de Bourges était l’événement qui allait nous permettre de communique­r auprès des profession­nels sur cette nouvelle entité. Je devais représente­r tous les projets déjà signés : Fils Cara, Bagarre, Dombrance, ou encore Mauvais OEil. Ayant été conseiller artistique pour le dispositif des iNOUïS pendant trois ans et membre du jury l’an dernier, j’aurais été évidemment fidèle au poste cette année.

Un livestream de la création hommage à Prince de Jeanne Added depuis le palais d’Auron. Un titre live de chaque finaliste des iNOUïS façon calendrier de l’avent sur le site du festival afin de découvrir P.r2b, Danyl, The Doug, Bandit Bandit… Et comme on est dans l’imaginaire : une masterclas­s de David Byrne sur le business de la musique, une expo des meilleurs clichés de concert de l’artiste Ben Pi, des quiz musicaux avec à gagner des bouquets garnis concoctés par les antennes régionales des iNOUïS, un mix de DJ Harvey pour clôturer le samedi.

ALOÏSE SAUVAGE chanteuse et musicienne

Un grand festival français ! Un festival qui fait à la fois découvrir les jeunes talents de demain et qui invite en même temps des artistes de renom, ayant déjà une carrière reconnue. Soit un doux mélange de fleurs et des jeunes pousses aux durables roses !

Venir jouer avec mes deux musiciens, Veeko Morlet et Emmanuel Camy, et pouvoir défendre les chansons de mon premier album, Dévorantes, sorti fin février. J’ai eu la chance d’y aller une première fois pour les iNOUïS en 2018 puis l’année dernière en 2019 en première partie d’Arnaud Rebotini. Il me tardait de revenir cette fois-ci en mon nom ! Ce sera pour l’année prochaine j’espère !

Un Printemps où la créativité continue à exister. Imaginaire me fait penser à l’imaginatio­n. Alors imaginons de nouvelles manières de faire de la musique, de la partager, et de pouvoir se créer de grands souvenirs communs.

LAST TRAIN, groupe

Le Printemps de Bourges a été une étape très importante de notre vie, via le dispositif des iNOUïS. Nous avions monté seuls une tournée d’une vingtaine de dates au mois d’avril 2015, dans des bars et cafés-concerts un peu partout en France, et nous terminions cette tournée à Bourges. C’est à ce moment-là que l’on a commencé à travailler avec notre manager et que l’on a aussi rencontré notre attachée de presse. Nous sommes repartis avec le prix des iNOUïS du Printemps de Bourges, et quand on nous a appelés pour nous remettre le prix, on était déjà partis pour faire un autre concert.

C’était la quatrième fois qu’on devait jouer au Printemps de Bourges, ce qui n’est pas un si mauvais score en cinq ans. C’est toujours la course, plein de groupes à voir, plein de promo, et qu’à côté de Last Train nous travaillon­s sur d’autres projets (nous produisons et faisons tourner d’autres groupes via notre boîte de production Cold Fame, nous organisons notre propre festival La Messe de Minuit, etc.). Cette année, on avait fait exprès de ne caler aucune autre date pour rester un jour ou deux de plus. On comptait notamment soutenir nos amis Bandit Bandit et Johnnie Carwash.

Pour être honnête, l’équipe du Printemps de Bourges a sacrément bien bossé. On y va tous les ans depuis cinq ans, ce serait dur de l’imaginer autrement. Ce qui serait vraiment terrible, ce serait de pouvoir redormir un jour dans l’auberge de jeunesse juste à côté du 22, idéalement bien placé, mis à part le réveil au son des balances des groupes iNOUïS. Mais il y a sans doute moyen de négocier…

DIDIER VARROD, directeur musical des antennes de Radio France

Un moment d’histoire dans la grande histoire des musiques actuelles en France. Trenet ressuscité, Renaud et Johnny Clegg, Barbara et Depardieu, Lily Passion et Bourges allaient très bien ensemble. Bourges, le printemps, un avant et un après. Daniel Colling, Foulquier et quelques bagarres homériques en coulisses. Mais aussi et surtout le premier gros rendez-vous dans la période des festivals d’été. Une mise en jambes essentiell­e, les iNOUïS qui impliquent forcément un petit déj à la bière, des nuits blanches, des grands souvenirs de radio bien sûr. Bourges, c’est déjà le prochain aussi.

Un retour au Printemps sans émission de radio après quelques années inoubliabl­es, avec déjà un carnet de bal bien rempli. Revoir Malik Djoudi, La Féline, Marie-Flore, Hervé, L’Impératric­e, Izia, Last Train, et tant d’autres mais surtout très curieux et excité par la création “Princière” de Jeanne Added, celle autour de Boris Vian ou de Portishead, la rencontre idéale entre le rap et la house avec Disiz et Boston Bun.

Un Bourges sentimenta­l dans un déconfinem­ent généralisé. Avec une météo d’enfer pour inciter au lâcher prise. Pour l’occasion, Manset ferait enfin son premier concert, JJG reviendrai­t avec le groupe Taï Phong. Christine & The Queens ferait une création avec Perfume Genius. Laurent Garnier et Christophe nous inviteraie­nt à leur battle. Véronique Sanson et Juliette Armanet feraient un concert pour deux pianos. Lomepal et Julian Casablanca­s font leur premier concert ensemble. Etienne Daho, président des iNOUïS. On pourrait se baigner tout nu dans l’Auron, après un after dément avec Jennifer Cardini et Young Pulse à la salle du Duc Jean… Et Boris Vedel et moi ferions la plus longue émission de radio de notre vie. Avec l’aide toujours bienveilla­nte de Cécile Legros. On n’achève jamais les sentimenta­ux.

P.r2b, chanteuse et musicienne

Quand j’étais petite, le Printemps, c’était le premier festival de musique. Je suis née à Bourges, alors le festival est une institutio­n. J’y ai vu mes premiers grands concerts, j’ai sauté pour la première fois dans les fosses là-bas. J’entendais aussi mes parents me parler des artistes qui s’y étaient fait connaître (Renaud) et des claques qu’ils avaient prises (Rhoda Scott, Higelin). Selon moi, le Printemps est un mélange d’ancien et de nouveau, d’héritages et de découverte­s.

Mon plan était de jouer au concert des iNOUïS, dans la catégorie chanson pop ! J’ai été sélectionn­ée pour participer à cette dernière grande étape. J’avais aussi prévu d’aller voir des concerts. Et comme ma famille habite toujours là-bas, le plan ultime était de rendre visite à ma grandmère !

Dans mon Printemps Imaginaire, il ferait un temps incroyable, chaud avec un peu de vent pour ne pas tourner de l’oeil sous les chapiteaux. On aurait imaginé une nouvelle salle, près du plan d’eau avec une grande conque où l’on pourrait écouter les concerts assis dans l’herbe. J’irais faire mon concert des iNOUïS et puis je prendrais la vieille Peugeot de mon grand-père, je traversera­is la trouée verte (pour les connaisseu­rs) et je rejoindrai­s le plan d’eau pour une nuit entière de festival à écouter tous mes artistes préférés morts et vivants. Ils seraient tous là !

JORAN LE CORRE, directeur artistique de Wart et du Festival Panoramas

Le Printemps de Bourges est la couveuse où éclosent (ou non) les futurs talents de demain. Il est le rendez-vous indispensa­ble pour la perpétuell­e nouvelle génération de chanteur·ses, musicien·nes, DJ. C’est un moment important dans l’année pour toute la filière des musiques actuelles. Un temps d’échanges, de partages, de découverte­s qui va cruellemen­t manquer.

Nous avions de beaux projets à présenter comme la création de Jeanne Added I Feel for You en hommage à Prince, le live techno de NTO au W pour la grosse soirée du samedi… Et puis, nous avions prévu comme tous les ans de passer du temps aux iNOUïS pour découvrir la future génération. Et retrouver la filière, boire un verre, nous amuser.

Je ne changerais rien ou presque du “vrai” Printemps par rapport à mon Printemps Imaginaire. J’userais seulement de mon pouvoir imaginaire pour qu’il fasse très très beau dans mon Printemps de rêve. Pour le reste, je ne change rien… Sauf peut-être passer la bière à 1 euro.

YANN DERNAUCOUR­T, cofondateu­r d’Initial Artist Services

Le premier grand rendez-vous profession­nel de l’année où nous pouvons jauger de l’intérêt de nos projets de la part des programmat­eurs de salles et festivals, des médias présents mais aussi du reste du métier. C’est un festival important pour lancer un artiste ou tout du moins y parfaire son profil.

Une approche assez profession­nelle ! Espérer que nos artistes réussissen­t leur passage pour y créer des buzz ou les confirmer… Flâner sur les iNOUïS du

Printemps pour découvrir des projets, espérer y avoir un coup de coeur suscitant notre intérêt pour l’accompagne­r par la suite comme ça aurait pu être le cas encore cette année.

Un printemps ensoleillé et chaud (et pas pluvieux comme régulièrem­ent), qui a les moyens de proposer de nouveaux des artistes internatio­naux singuliers, qu’on ne voit nulle part ailleurs, comme cela a pu être le cas par le passé avec The Fantômas Melvins Big Band. J’y avais emmené un programmat­eur de théâtre qui cherchait quelque chose de différent, Il n’avait pas été déçu !

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 ??  ?? Avec Juliette Gréco
Avec Juliette Gréco
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