Les Inrockuptibles

Juliette Armanet

Depuis toujours, la chanteuse se sent de profondes affinités avec l’interprète de La Dolce Vita. Elles se sont notamment concrétisé­es avec un duo pour Christophe etc. vol. 2

- Propos recueillis par F. M.

“J’ai vécu avec sa musique depuis l’adolescenc­e, il y a eu comme un socle avec La Dolce Vita – une chanson fondatrice à tous les niveaux : à la fois dans les harmonies, les suites d’accords. Dans le texte aussi, ce que ça raconte, ces espèces d’histoires d’amour mélancoliq­ues, cette quête éperdue de la beauté d’un temps passé. Et puis la voix, comme ça, entre deux mondes. Une voix étrange, ambiguë ; celle d’un crâneur un peu macho, qui en même temps a des hauteurs de diva un peu futuriste, de chanteur bleu. Cette espèce de mélange hypnotique, raffiné, drôle en même temps, à la fois kitsch et tellement sincère, je crois que c’est ce qui me parle le plus au monde.

Christophe, avant que je ne le rencontre, était déjà mon compagnon d’intimité musicale. Une sorte d’idole. Et puis après on s’est rencontré·es un peu par hasard, en Italie. Je suis hyper-contente que ça se soit passé là-bas, à la Villa Médicis de Rome. On a joué autour d’un piano et on s’est bien entendu·es. Je lui ai même fait écouter à l’époque les maquettes de Petite Amie, et il m’a fait écouter celles des Vestiges du chaos. Pour moi, c’était comme rencontrer Michael Jackson. Ensuite, ça a été comme un long parcours d’échanges, d’amitié, de textos, de restaurant­s, de dialogues, de musique partagée. Il m’avait invitée à chanter La Dolce Vita avec lui. C’était vraiment un rêve – on emploie souvent ce terme, mais là j’ai vécu un moment de fou. C’était suspendu. C’était pour un show télé, je me rappelle. On était censé·es répéter chez lui, mais on ne répète jamais avec Christophe. On discute et, à 23 heures, minuit, il te dit : ‘Y a Armando, le taxi, qui vient nous chercher, on va manger des nems.’ Et là tu lui dis : ‘Mais Christophe, on joue demain !’ Et finalement, on se jette dans le vide. Aller chez Christophe, c’était, quoi qu’il arrive, rentrer dans sa musique. C’était ça, sa vie. Tout le monde est allé chez lui, tout le monde a un souvenir avec Christophe. Il a su être à la fois le mystérieux Christophe, caché dans la nuit, protégé, comme ça, par une brume de musique, et en même temps quelqu’un qui partage son regard, ses taxis avec tous ces gens. On ne peut pas dire ça de tous les artistes. C’est une bénédictio­n d’avoir rencontré cet homme-là, il a suivi plein d’étapes de ma vie. Ce qui l’a rendu aussi exceptionn­el et aussi moderne, c’est de ne jamais mettre sa vie en vitrine, de ne jamais sanctifier le passé. Il aimait juste la musique, là, maintenant, tout de suite. Ce qu’elle pouvait susciter comme sensations immédiates. Je trouve que c’est magnifique.”

 ??  ?? Juliette Armanet et Christophe reprennent La Dolce Vita sur le plateau de Taratata (2019)
Juliette Armanet et Christophe reprennent La Dolce Vita sur le plateau de Taratata (2019)

Newspapers in French

Newspapers from France