Les Inrockuptibles

Hamilton Leithauser

The Loves of Your Life Glassnote Records/Awal

- Rémi Boiteux

Un chef-d’oeuvre en solo pour la voix des Walkmen, qui enflamme une galerie de portraits éblouissan­te.

LES GENS SONT DES CHANSONS. C’EST EN QUELQUE SORTE L’ARGUMENT de ce très grand disque que vient de sortir Hamilton Leithauser. L’homme qui a transformé les endeuillés Jonathan Fire*Eater en magnifique­s Walkmen (histoire de présenter rapidement l’individu) livre, avec ce quatrième album sous son nom, une collection de titres inspirés de personnes qu’il a croisées de façon plus ou moins proche. La galerie de portraits s’ouvre avec le bourdonnem­ent magnifique des Garbage Men, annonçant un disque qui sera aussi un chant d’amour, polysémiqu­e et parfois contrarié, à la ville de New York.

Le deuxième titre, Isabella, rappelle que les prénoms féminins ont souvent été de bonnes étoiles pour ce songwriter

– Alexandra en solo, Angela avec

The Walkmen – sous les cieux splendides d’une mélodie languissan­te qui en fait un classique instantané. Ce single reflète la profonde humanité du projet, Leithauser choisissan­t de s’intéresser à une facette du personnage (ici son besoin de béquilles parentales) sans en faire une charge acide. Car ce qui l’intéresse en premier lieu, c’est la lumière dans les failles, que les compositio­ns se chargeront de traduire, chacune à sa manière.

C’est par exemple l’arrière-plan en ragtime trampolini­en sur Here They Come

après sa première partie de douces harmonies. Avec dans la voix ce mélange de rage furieuse et d’enthousias­me enflammé qui renvoie à un Rod Stewart auquel on a souvent comparé le grain de Hamilton. Ce qui n’a jamais été aussi approprié que sur le chef-d’oeuvre

Til Your Ship Comes In, dont la délirante dynamique appelle de toutes ses tripes l’écoute à plein volume. Malgré tous ses personnage­s, et ses invités musiciens parmi la fine fleur new-yorkaise, il a réalisé seul l’essentiel du disque, déployant une formidable palette de multi-instrument­iste, des résonances épiques de la batterie aux claviers en tous genres, en passant évidemment par les guitares.

Résultat : un disque panoramiqu­e, expansif, bigger than life en restant pourtant à hauteur d’existence.

S’y joue un music-hall un peu ivre (Don’t Check the Score), un peu Randy Newman dans l’écriture, des nuances douces-amères mais qui ne souffrent aucune tiédeur. Hamilton Leithauser n’a peur de rien, pas même des choeurs d’enfants (les siens) comme sur le Old King final qui nous raccompagn­e à la sortie, rincés, heureux, comme éblouis de revoir la lumière du jour après une nuit de confinemen­t avec l’aréopage brûlant d’un crooner flamboyant.

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