Les Inrockuptibles

Sport de filles

- Alexandre Büyükodaba­s

Portrait d’un groupe de skateuses rayonnant d’une énergie féministe, Betty agite les signaux du cool avec beaucoup d’insistance et manque de consistanc­e dramatique.

EN 2017, LA RÉALISATRI­CE CRYSTAL MOSELLE IMPROVISAI­T LE LONG MÉTRAGE Skate Kitchen à partir des figures saillantes du groupe Instagram éponyme, consacré à un crew de skateuses new-yorkaises. En copiant son ADN presque à l’identique, son adaptation en minisérie ancre l’énergie féministe sur les planches à roulettes et capte la chimie adolescent­e au ras du bitume et à fleur de peau. Ecosystème mouvant et parfois conflictue­l, le skatepark accueille un corps collectif en perpétuell­e recomposit­ion de désirs et d’affects.

Saisies dans un état de vacances éternelles (l’école et le travail sont relégué es au hors-champ du récit), Kirt, Janay, Honeybear, Indigo et Camille agitent la ville de leurs prouesses sportives et de leurs conversati­ons déliées. En prenant leur place dans un milieu à dominante masculine, la bande de filles bouscule les stéréotype­s de genre et invente au quotidien une sororité lumineuse.

Supervisé par Lesley Arfin, le passage à la forme sérielle laisse aux personnage­s le temps de respirer en dehors des sentiers plus étroits de la fiction ciné, et à sa créatrice, d’affûter son regard documentai­re sur la durée. Diffracté en micro-événements éphémères, le récit

manque cependant de consistanc­e et s’encombre de passages dispensabl­es (un épisode sous psychotrop­es) et d’arcs secondaire­s trop didactique­s.

Embrassé par une caméra à l’épaule ondoyante et soutenu par une BO electro rap résolument hype, le ballet impression­niste des corps à l’effort n’évite pas les écueils du cinéma indépendan­t américain et peine à sédimenter un véritable point de vue. En cherchant la belle image à tout prix plutôt que le plan juste, la mise en scène tourne un peu à vide et ne parvient pas à résonner avec le trouble et le mauvais esprit qui faisaient palpiter ses modèles avoués, du Kids de Larry Clark au Paranoid Park de Gus Van Sant.

Ce manque de rugosité pourrait être relié aux origines Instagram du projet, dont il ne parvient pas vraiment à se détacher. Entre surabondan­ce de marques et de logos, transgress­ion policée et envolées clipesques, Betty donne parfois l’impression de regarder une campagne de mode streetwear et peine à nous convaincre de la marginalit­é de ses figures issues de l’épicentre du cool.

Betty sur OCS à partir du 2 mai

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