Les Inrockuptibles

Le super-pouvoir de vivre

- Vincent Brunner

Avec The Wicked + The Divine, les Britanniqu­es Kieron Gillen et Jamie McKelvie mixent de manière brillante mythologie­s, questions existentie­lles et pop culture.

JUSQU’À RÉCEMMENT, EMILY GREENAWAY, RUTH CLARKSON OU VALENTINE CAMPBELL étaient des ados anglais·es comme les autres, à la recherche de leur propre voie. Un acte surnaturel les a transformé·es en membres du Panthéon, douze divinités dont chaque apparition scénique met en transe le public. Le rapprochem­ent opéré par The Wicked + The Divine entre mythologie et pop frappe par son évidence et, dans les premiers chapitres, on s’amuse à deviner, grâce au trait précis du dessinateu­r Jamie McKelvie, les clins d’oeil aux idoles contempora­ines.

Sakhmet a ainsi le visage de Rihanna, Baal, le costume de Kanye West, tandis que Inanna, déesse de Mésopotami­e, ressemble à Prince et Odin paraît s’abriter derrière l’armure robotique de Daft Punk. La blonde Lucifer ? On croirait revoir le Thin White Duke, le personnage créé sur scène par Bowie au milieu des années 1970.

Le charme de la série ne se limite pas, heureuseme­nt, à ce jeu de références. A partir de ce cadre, les auteurs ont bâti une saga fantastiqu­e au tempo impulsé par une dramaturgi­e cruelle. Ces nouvelles divinités doivent en effet profiter

de leur destinée : elles n’ont que deux ans devant elles avant une mort programmée. Ce compte à rebours les contraint à se révéler terribleme­nt humaines, c’est-à-dire en quête d’amour ou de célébrité, prêtes à tout – même au meurtre – pour assouvir leurs désirs et répondre à leurs interrogat­ions sexuelles.

Tome après tome, The Wicked

+ The Divine séduit par son architectu­re moderne, sa manière d’attiser le suspense avec des coups de théâtre et des flashback – Postérité, septième tome avant une issue prochaine, débute ainsi dans le désert, 4000 ans avant J.C. Au-delà de cet élan narratif, cette série queer et politique pose une question universell­e : que faisonsnou­s ici ? Le scénariste Kieron Gillen a d’ailleurs eu l’idée du concept global après avoir perdu son père. Grâce à un sens du dialogue affûté, il saisit l’air du temps, trouve dans ses dialogues le bon dosage entre humour et interrogat­ions existentie­lles.

The Wicked + The Divine – Postérité de Kieron Gillen, Jamie McKelvie et Matt Wilson (Glénat), traduit de l’anglais par Eloïse de la Maison, 208 p., 17,50 €. Disponible en version numérique, 9,99 €

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