Les Inrockuptibles

Laetitia Dosch, comédienne

LE MONDE SELON GARP DE JOHN IRVING

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J’aimerais bien ne pas avoir lu

Le Monde selon Garp de John Irving. C’est un peu mon rêve de le relire. On suit des personnage­s complèteme­nt farfelus, très marqués, pendant soixante-dix ans, dans le chaos de l’Amérique. Il y a la mère, une femme célibatair­e, infirmière, que tout le monde déteste, qui ne veut pas avoir de mari et qui fait l’amour avec des gens qui ont fait la guerre du Vietnam pour se faire engrosser. L’enfant s’appellera Garp parce que c’est le bruit que l’homme a fait en jouissant et en mourant (rires) ! Ça commence comme ça et ensuite, on va suivre le destin de Garp et de sa mère.

Un fils de féministe, écrivain, qui passe par plein de mondes assez extrêmes, suit une éducation dans un collège protestant avec des enfants superriche­s. Ce ne sont que des situations tordues et drôles. Finalement, Garp grandit, sa mère devient une icône du féminisme et le lecteur se retrouve là dans un moment où il y a beaucoup d’extrémiste­s féministes.

En fait, ça parle beaucoup de l’homme, de la concupisce­nce – un mot qui revient souvent – et des féministes. C’est hyper-intéressan­t d’avoir le regard d’un homme là-dessus. Un regard assez aimant et qui cherche sa place d’une manière amusante. Il va être catapulté entre plein de femmes, dont Roberta Muldoom, qui devient sa meilleure amie et qui est en fait un ancien champion de basket qui a changé de sexe et va devenir son body-guard.

Il est attaqué par des féministes. Il y a un personnage que j’aime beaucoup, Ellen James, une petite fille de 16 ans qui subit un viol et dont on coupe la langue. Un mouvement est créé en réaction, les Ellen Jamesienne­s. Il regroupe des femmes qui se coupent la langue en solidarité avec Ellen James qui, elle, déteste ça : “C’est quoi ces connasses ?” (rires)

C’est le récit d’une vie où il y a de la mort, des mouvements de foule, de la folie, de la grâce, de la fantaisie. En même temps, il y a de la profondeur, ça pousse à réfléchir sur les rapports humains. En plus, à l’intérieur de ce bouquin, il y a deux livres. Comme Garp est écrivain, on trouve ses livres à l’intérieur du roman, dont une nouvelle que j’adore :

“La Pension Grillparze­r”. C’est l’histoire d’une famille qui comprend la grand-mère, les parents et les trois enfants. Les parents, qui travaillen­t pour un équivalent du Michelin, arrivent dans une pension à laquelle ils mettent une super-note. Elle est tenue par des gens du cirque et, la nuit, il y a une ourse juchée sur un monocycle qui va leur faire peur quand ils sont aux toilettes – la grand-mère en fait des cauchemars, qu’elle raconte. Il y a des chevaux fantômes qui viennent boire de l’eau le soir. C’est un des trucs les plus beaux que j’aie lus : les personnage­s, très émouvants, m’accompagne­nt.

Le Monde selon Garp de John Irving (Points/Seuil, 1998). Disponible en version numérique

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