Dominique A, musicien
ROAD TO RUIN DE THE RAMONES
Puisque l’heure est plus à la redécouverte qu’à la découverte, en me replongeant dans mes barres de disques laser, je suis retombé sur un coffret anthologique des Ramones, regroupant leurs six premiers enregistrements pour le label Sire, de 1976 à 1981. Les trois premiers, posant les bases d’une pop punk jouée pied au plancher et sortis à la queue leu leu, sont des décalques les uns des autres, à ce point interchangeables que, à l’aveugle, bien malin qui pourrait déterminer leur ordre d’apparition. Ce n’est qu’à partir du quatrième, Road to Ruin, daté de 1978, que le groupe new-yorkais consent à faire montre d’un peu plus de subtilité dans les compositions et de variété dans le son, avec même, çà et là, quelques arpèges de guitare folk qui durent en leur temps causer quelque émoi au sein de leur fan-club (aujourd’hui, tout le monde s’en foutrait, mais à l’époque, on dressait des bûchers pour moins que ça).
A la réécoute, c’est probablement leur magnum opus.
La ligne artistique de départ n’est que très légèrement infléchie, on n’est pas chez Radiohead, mais suffisamment pour donner aux morceaux une épaisseur inédite. Et si je vous en parle aujourd’hui, c’est que lorsque le confinement me tape sur le système, j’ai constaté que le gros son roboratif des Ramones, et particulièrement l’écoute de cet album, m’apaisait.
Même si je sais qu’en de tels moments on a tendance à surinvestir de significations les chansons, il y en a ici quand même une, la première, qui me semble assez foutrement programmatique, du moins pour ceux qui ne sont pas au feu et se morfondent en quarantaine : elle s’intitule I Just Wanna Have Something to Do, des mots que Joey Ramone chante comme à l’accoutumée, de son incroyable voix de gorge, avec toute la distance requise, ne faisant que mieux passer frustration et rage contenue. Un genre de Teenage Kicks version US, plus insidieux, et tout aussi sauvage.
Road to Ruin de The Ramones (1978). Disponible sur les plateformes d’écoute