João Pedro Rodrigues, cinéaste
LES TOILES DE JOÃO GABRIEL
“Abril, águas mil” ou “avril, eaux mille”, dit-on au Portugal. Ce mois d’avril ne faisant pas exception, le tonnerre retentit dans les rues vides d’une Lisbonne confinée. Par ma fenêtre, l’orage laisse, par moments, le soleil éclairer mon bureau, et bouscule tout d’un seul coup, par un simple, mais violent, changement de lumière.
Il me semble que c’est ce que cherche le peintre João Gabriel : ces éclairs qui remettent en cause le monde, les paysages et les corps qui l’habitent. Il les capture dans des peintures extatiques de tournure classique. Ses images, il les retrouve dans de vieux films porno gay ou dans l’histoire de l’art ; c’est une peinture joyeusement figurative, riche de corps vibrants mais mutiques qui semblent jouer au jeu de l’amour, en même temps que touchés par la mélancolie de la mort.
J’ai rencontré João Gabriel en 2015, pendant le repérage de L’Ornithologue, il avait 24 ans. Il m’a été présenté par mon ami Philip Cabau, son professeur à l’Esad (Ecole supérieure d’arts et design) de Caldas da Rainha, une petite ville au nord de Lisbonne, où João habite et travaille toujours. C’est à Buçaco, une montagne tout près de cette ville, que j’ai trouvé les stations de la Via Crucis, où j’ai tourné une des scènes décisives de mon film. La sublime matérialité instinctive de la peinture de João m’a tout de suite bouleversé et, quand le film fut sélectionné à Locarno, je lui ai proposé d’en faire l’affiche ; personne d’autre pouvait ainsi représenter la transfiguration.
Hier, il a beaucoup plu à Lisbonne et, regardant par ma fenêtre, j’ai pensé à João, travaillant seul dans son atelier couvert de peintures inachevées, qui gagnent forme petit à petit, aux saveurs de la lumière et des couleurs qu’il trouve pour les éclairer. joaogabriel.net