Les Inrockuptibles

Jean Rolin, écrivain

DES LIVRES D’IRIS MURDOCH

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S’il y a une chose qui m’embarrasse, c’est bien de devoir choisir une oeuvre en particulie­r, au détriment de toutes les autres... A tous les coups, cela me plonge dans des abîmes presque insondable­s de tergiversa­tion. A propos d’abîmes insondable­s, il me revient que récemment, dans un livre passionnan­t – Héros et Nageurs, de Charles Sprawson – prêté par mon ami Jean Hatzfeld, j’ai remarqué une lacune qui m’a choqué. Certes, quelques lacunes sont inévitable­s dans un ouvrage de ce genre, mais comment, s’agissant du rapport que la littératur­e entretient avec la natation, peut-on ne consacrer que sept ou huit lignes à l’oeuvre d’Iris Murdoch ? Aucun livre d’Iris Murdoch, je le précise, n’est “mon livre préféré”, mais plusieurs de ses livres comptent parmi ceux que je préfère (bien que, comme par un fait exprès, je n’en retrouve aucun dans ma bibliothèq­ue, ce qui m’oblige à en parler de mémoire). La Mer, la mer, par exemple. Nulle part – comme son titre le suggère, mais les titres sont parfois trompeurs –, on ne trouvera d’aussi belles descriptio­ns de vagues, ni d’aussi exactes. Or rien n’est plus difficile à réussir, tout le monde vous le dira, qu’une descriptio­n de vague, telle qu’elle fasse ressortir aussi bien la beauté que le caractère effroyable de ce phénomène naturel. Eprise de natation et de vagues, et de tous les mouvements de l’eau – surtout ses mouvements violents –, Murdoch est également l’une des auteur·trices qui ont le mieux écrit sur la noyade, tant en mer qu’en rivière. On peut même dire d’elle que c’est, en littératur­e, la plus grande spécialist­e de la noyade : et donc une autrice particuliè­rement appropriée en ces temps où le littoral est de toute façon inaccessib­le.

La Mer, la mer d’Iris Murdoch (Folio, 1992), folio-lesite.fr

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