Rage against the machisme
En déroulant l’épopée sanglante d’un gang de femmes dans le Manchester des années 2000, la primo-romancière Jules Grant signe un thriller féministe badass.
MANCHESTER A VU NAÎTRE DEUX GENRES DE FORMATIONS. Celles dont on parle dans les bouquins d’histoire : Oasis, New Order, Joy Division. Et puis les autres, plus musclées : The Noonan Family, The Cheetham Hill Gang, The Gooch.
Dans les années 1990, période “chômage de masse, pills et Acid Music”, la cité ouvrière est rebaptisée GUNchester. Dans les rues et clubs mythiques comme l’Haçienda ou Konspiracy, les gangs règnent et les douilles pleuvent. Le Moss Side notamment, quartier historique de la pègre au sud de la ville, est encore un vrai panier de crabes. Les formations rivales y sont légion et les alliances, fragiles.
C’est là, entre les drug lords misogynes et les jeunes loups homophobes que Donna Wilson a fait son trou. Badass, lesbienne, amatrice de lames effilées, elle mène son crew de filles avec ruse et rigueur. Autobaptisées les Bronte – rien à voir avec Emily –, ces ferrailleuses du biz ont acquis dans la rue un statut spécial : “Parce qu’elles sont gouines” et “plus intelligentes que les autres”.
Mais quand Carla, la plus flamboyante d’entre elles, décide de s’affranchir des règles de base en s’amourachant de la femme d’un caïd du coin, les accords de paix volent en éclats et le sang va couler pour laver l’affront.
Thriller efficace, sombre et brutal, Nous errons dans la nuit dévorées par le feu marque l’entrée en littérature audacieuse et réussie de l’ancienne avocate britannique Jules Grant.
Histoire de violences, de vengeances et d’amour, réappropriation jouissive du catéchisme de la gang culture, le roman dépoussière les codes du genre en les ouvrant aux enjeux féministes et LGBTQI+. Porté par des personnages de femmes fortes et solidaires, le récit déploie une puissance contestataire précieuse en ridiculisant le machisme et l’homophobie primaires et en dénonçant férocement le désengagement des pouvoirs publics mancuniens face aux violences faites aux femmes.
Nous errons dans la nuit dévorées par le feu (Inculte), traduit de l’anglais par Maxime Berrée, 348 p., 19,90 €