Apparaître ou disparaître
Qui se cache derrière le street artist BANKSY ? Le cinéma selon MATHIEU AMALRIC mis au jour. Comment la société REGARDE LES GROS∙SES : trois conseils médias.
BANKSY MOST WANTED
C’est sans doute l’artiste le plus connu et dont les oeuvres sont les plus reconnaissables au monde. Et pourtant, personne ne sait qui il est. Depuis vingt-cinq ans, Banksy frappe les esprits de ses pochoirs et graffitis poétiques, insolents, drôles et engagés, tout en préservant strictement son anonymat. Une prouesse sur laquelle se penche le documentaire Banksy Most Wanted, coréalisé par Aurélia Rouvier et Seamus Haley et diffusé sur Canal+. “Les gens pensent que l’anonymat était une astuce marketing de Banksy, un coup de pur génie. Et ça l’était. Mais il ne l’a pas fait intentionnellement. C’était plus de l’autopréservation que de l’autopromotion”, y témoigne Steve Lazarides, agent de Banksy de 1997 à 2008 et gardien de nombre de ses secrets.
En effet, l’activité illicite de Banksy – peindre sur les murs publics – a fait de lui un homme traqué par la police. Ironiquement, à l’ère du narcissisme généralisé, il est donc la seule personne à ne pas vouloir être célèbre, en dépit de la popularité de ses oeuvres.
De Bristol à New York, en passant par Londres, le documentaire explore les traces laissées par l’artiste et part à la rencontre des personnes qui se sont échinées à le démasquer, comme Craig Williams, étudiant journaliste qui a cru le reconnaître en Robert Del Naja (membre de Massive Attack). Au terme de cette enquête palpitante, une seule certitude : l’anonymat de Banksy est la condition de l’utilité sociale de son art.
Mathieu Dejean
Banksy Most Wanted d’Aurélia Rouvier et Seamus Haley sur Canal+ le 17 juin à 21 h
ON ACHÈVE BIEN LES GROS
“J’ai tendance à dire que je mesure une Kylie Minogue et que j’en pèse trois.” La salle est un peu sombre. Du matériel de sport est rangé aux quatre coins de la pièce. Une femme, grosse, soulève des poids pendant que son coach lui glisse conseils et autres encouragements. “Vous pensez que vous alliez regarder un film sur une grosse qui veut perdre du poids ?, tranche alors la voix off, celle de Gabrielle Deydier. Je vais vous raconter comment dès que l’on sort de la norme, lorsque l’on déborde la vie se complique.”
En 2017, elle publiait On ne naît pas grosse (Goutte d’Or) et ouvrait le débat sur une discrimination (trop) longtemps invisibilisée en France : la grossophobie. Avec le film On achève bien les gros, elle mêle documentaire et fiction dystopique. Se dessine alors le portrait d’une femme déterminée à ne plus être mise de côté par une société qui pointe sans cesse du doigt les corps jugés trop gros. Un récit percutant où la résilience bouleverse.
L’enfer commence avant sa rentrée en classe de première, lorsque sa mère la pousse à faire un régime encadré par un médecin. Résultat : la jeune Gabrielle prend 30 kilos de plus. Un dérèglement hormonal sera décelé, trop tard. La journaliste raconte alors les moqueries, les humiliations, les discriminations dont elle a été victime. Et le décrochage scolaire qui s’en est suivi.
En parallèle, on suit l’écriture de son nouveau livre : Metabo, un roman où elle imagine une société qui aurait dégénéré en une dictature hygiéniste où les gros·ses seraient considéré·es comme des parias. Et nous donne à voir quelques courts moments fictionnels aussi effrayants que réalistes. Fanny Marlier
On achève bien les gros de Laurent Follea, Gabrielle Deydier et Valentine Oberti sur Arte le 17 juin à 22 h 50 et sur arte.tv
MATHIEU AMALRIC, L’ART ET LA MATIÈRE
En 2017, l’ancien critique aux Cahiers du cinéma André S. Labarthe (décédé en 2018) et Quentin Mével ont suivi Mathieu Amalric sur le tournage de Barbara pour un numéro de la série télévisée culte Cinéma, de notre temps.
Ils en ont tiré un documentaire intimiste, Mathieu Amalric, l’art et la matière, sorte de mise en abyme perpétuelle ( Barbara étant déjà un film sur un film) dans laquelle se dégagent les obsessions du cinéaste enfiévré et sa manière très singulière de travailler, sans script, en misant tout sur l’intensité du moment.
A propos de Jeanne Balibar, il déclare ainsi : “Jeanne dit souvent que les acteurs en savent plus sur le personnage que la personne qui réalise le film. Il faut laisser ça exister. Jeanne ne veut pas savoir. Je lui dis deux trucs juste avant de jouer, c’est tout.”
Entre l’excitation et le stress du tournage, les moments de complicité avec Jeanne Balibar et les conversations libres avec les deux coréalisateurs, des extraits de la filmographie d’Amalric s’intercalent (Le Stade de Wimbledon, Tournée, La Chambre bleue), construisant une théorie sur son propre cinéma, dont il était lui-même inconscient. C’est aussi le dernier film d’André S. Labarthe, humble figure de maître qui partage en toute convivialité verres de vin et passion pour le cinéma avec son ami.
Mathieu Amalric, l’art et la matière d’André S. Labarthe et Quentin Mével sur Mediapart, dans le cadre d’une sélection d’Images en bibliothèques