Les Inrockuptibles

“J’ai le plaisir obsessionn­el, nécessiteu­x et angoissé”

Après un passage remarquabl­e derrière la caméra avec Deux Fils, en 2018, l’acteur et réalisateu­r sera au générique du prochain Wes Anderson, à découvrir sur les écrans cet automne.

- Propos recueillis par B. D.

Comment va le sexe en 2020 ?

Félix Moati — Question compliquée. Plein de facteurs

– sociaux, culturels, etc. – doivent être pris en compte. On n’a pas le même rapport au sexe selon son environnem­ent. Et comme la société se fragmente toujours plus, je laisse les généralité­s aux expert·es en tous genres qui savent tout. Et il·elles nous disent que les jeunes font moins l’amour. Je ne sais pas quels jeunes il·elles ont interrogé.

Le sexe masqué. Excitant ou pas ?

Ce qui est excitant, ce qui me fascine toujours, c’est le passage du social à l’intime. Quand on monte les marches, quand ça se dévoile justement. Le masque est excitant dans la promesse qu’il contient : celle d’être très bientôt enlevé.

Qu’est-ce que tu trouves très sexuel alors que les autres non ?

Moi, j’aime beaucoup les traces de vin rouge sur les lèvres des filles. Je trouve ça joli. On se fout de moi à chaque fois.

C’est quoi, pour toi, être sexy ?

L’affirmatio­n de son désir. Je parle mal la subtilité, encore moins bien le sibyllin, alors une certaine frontalité n’est pas pour me déplaire. D’autant que j’aime la phrase de Cioran : “Le

mystère est la meilleure invention de ceux qui n’ont rien à cacher”... Le désir qui se dit sans masque, c’est irrésistib­le. Le sexe pour toi, c’est un plaisir, un besoin, une angoisse, une obsession ?

Mon plaisir devient vite un besoin qui, ne pouvant être toujours satisfait, génère une certaine angoisse qui, à son tour, aimant bien se complaire dans la contemplat­ion d’elle-même, vire vite à l’obsession. J’ai donc le plaisir obsessionn­el, nécessiteu­x et angoissé. Quel est ton premier souvenir sexuel ? Une image de cinéma, le catalogue de La Redoute ?

J’étais au collège avec C. et L., des jumelles aux genoux très gracieux. Premier souvenir. Puis les genoux de Rachel Weisz dans Stalingrad (JeanJacque­s Annaud, 2000 – ndlr), puis ceux d’Emma Watson dans Harry Potter. Mon éveil commence par les genoux. Adolescent, quelles étaient tes icônes sexuelles et pourquoi ?

Icône et sexe ne vont pas ensemble pour moi. L’icône n’est pas en chair et construit souvent des représenta­tions qui s’avèrent très décevantes dans la vraie vie, dans le vrai monde.

Tes modèles de sexualité, tu as l’impression de les avoir inventés ou d’en avoir hérité ?

On ne fait rien sans héritage, on ne devient rien sans invention. Alors j’invente à partir des récits qu’on m’a transmis pour avoir la prétention de devenir qui je suis un jour. Après, les mecs de notre génération, on a une vraie responsabi­lité désormais. Par exemple, j’aime beaucoup les collages (contre les féminicide­s – ndlr) sur les murs de la ville : ça m’éveille, me questionne, me rapproche de thèmes qui ne doivent plus m’être étrangers, qui doivent être les miens aussi.

Le sexe, tu y penses toutes les semaines ? Tous les jours ? Toutes les heures ?

Cf. Dr Freud, qui dit bien qu’on y pense constammen­t.

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