Les Inrockuptibles

Tijuana Bible de Jean-Charles Hue

Avec Paul Anderson, Adriana Paz (Fr., 2019, 1 h 32). En salle le 29 juillet

- Théo Ribeton

Un thriller de cartel à la frontière mexicaine auquel manque la magie de Mange tes morts, précédent film du cinéaste.

Peu de nouvelles de Jean-Charles Hue nous sont parvenues depuis 2014 et le carton critique de Mange tes morts, second film en forme de thriller maniériste enfoncé dans la communauté gitane. Son retour enfile l’habit inattendu mais familier d’un thriller de cartel, d’une plongée dans la jungle transfront­alière de Tijuana, où un vétéran toxicomane aide une soeur endeuillée à retrouver la trace de son frère disparu. Canevas dont le Français (moins touriste que l’on croit : il a déjà tourné deux courts et un long dans la ville) tire un récit certes sans faux pas, mais qui peine à réinvoquer l’espèce de souffle majestueux, de ballet de dieux de son opus précédent. Peut-être parce qu’il se frotte à un univers très disputé par les Américains (on ne foule pas si aisément les terres de Sicario, ni des innombrabl­es séries sur le trafic de stupéfiant­s), peut-être aussi parce que quelques contrainte­s de genre, malgré sa totale liberté, viennent s’imposer à son intrigue (un antagonist­e un peu gaguesque), Tijuana Bible ne décolle pas vraiment.

Reste un travail à vif, une captation sauvage et vivante, une ruche de misère et de débrouille qui toujours, dans l’arrière-fond, chez les figurant·es, chez les seconds rôles, imprime sa pulsation. Mais au premier plan, à la surface du récit, et ce en dépit d’une faim de mysticisme que trahissent deux ou trois scènes (plane l’hypothèse d’une communicat­ion de la soeur avec les morts), la magie n’opère pas. On en vient à se demander si Mange tes morts n’était pas, à l’instar des films suicidaire­s du crépuscule hippie (Macadam à deux voies, Point limite zéro), un geste sans suite, une autocombus­tion. La cendre est belle, mais on espérait de la braise.

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