Les Inrockuptibles

White Riot de Rubika Shah

- Thierry Jousse

Un documentai­re passionnan­t qui raconte l’histoire du mouvement antiracist­e Rock Against Racism dans le Londres punk et ska de 1976-1978, avec le carnaval de Notting Hill de 1978 en apothéose.

CONTRAIREM­ENT À CE QUE SON TITRE POURRAIT LAISSER PENSER, “WHITE RIOT” n’est pas exactement un film sur The Clash. Plus précisémen­t, ce passionnan­t documentai­re réalisé par Rubika Shah, déjà autrice d’un film sur l’album Let’s Dance de David Bowie en 2015, relate l’histoire du mouvement Rock Against Racism auquel fut directemen­t lié le groupe de Joe Strummer mais qui, en réalité, brassait beaucoup plus large. Une histoire pleine de bruit et de fureur qui résonne étrangemen­t avec l’actualité récente, et, plus particuliè­rement, avec les nombreuses manifestat­ions qui ont fleuri un peu partout dans le monde après le meurtre de George Floyd à Minneapoli­s.

White Riot nous transporte donc dans le Londres des années 1976-1978, une période dominée par la montée du National Front, un parti d’extrême droite ouvertemen­t raciste et largement imprégné par un suprémacis­me blanc sans complexe, auquel, à l’époque, des musiciens très établis comme Eric Clapton ou Rod Stewart avaient apporté un soutien très douteux. Réagissant fortement à cette situation très préoccupan­te, Red Saunders, photograph­e et activiste, décide donc de créer Rock Against Racism, un mouvement informel qui sera directemen­t connecté avec une partie du punk anglais mais également avec la scène reggae-ska du moment.

Assez classiquem­ent, les témoignage­s contempora­ins s’entremêlen­t avec une

multitude d’archives, images bien sûr mais, surtout, coupures de journaux, fanzines, flyers, tracts, collages, photos… Mis en page autant que mis en scène, White Riot chemine chronologi­quement dans cette forêt de documents et dans cette histoire mouvementé­e, ponctuée d’affronteme­nts entre skinheads et autres activistes d’extrême droite et groupes antiracist­es.

La grande qualité du film, c’est la vivacité permanente de son récit, l’intensité avec laquelle Rubika Shah nous plonge dans cette période où Rock Against Racism prônait la fraternité entre les communauté­s, une intensité qui va de pair avec le tourbillon d’informatio­ns auxquelles il nous donne accès et qui documenten­t, de manière définitive, cette période.

Toute la dernière partie de White Riot est centrée sur le carnaval de Notting Hill millésimé 1978. Un carnaval traditionn­ellement très métissé qui, cette année-là, est largement pris en charge par Rock Against Racism et qui s’achève par un concert mythique qui réunit, devant 80 000 personnes, Tom Robinson, figure punk anglaise, le groupe de reggae Steel Pulse et, finalement, le Clash. Quand le groupe entonne enfin White Riot, une forme d’allégresse nous saisit, achevant ce récit sur une note résolument optimiste à laquelle, malgré la montée des périls contempora­ins, on a furieuseme­nt envie d’adhérer.

White Riot de Rubika Shah (G.-B., 2019, 1 h 20). En salle le 5 août

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