Les Inrockuptibles

Mulan de Niki Caro

- Théo Ribeton

Nouvelle relecture live ratée d’un succès Disney, qui ici s’émancipe du scénario original pour se charger d’un étrange relent réac’. Malaise.

LES DISNEY LIVE ( ALADDIN, LE ROI LION, EN ATTENDANT CRUELLA, LA PETITE SIRÈNE puis une série qu’on bouclera circa 2032 avec une Blanche-Neige projetée directemen­t dans nos cerveaux par des satellites d’Elon Musk, avant de savourer une fin du monde bien méritée) se suivent et ne se ressemblen­t pas ; mais ce qu’on en pense, par contre, se ressemble beaucoup. A savoir une perplexité inaltérabl­e face à ces projets dispendieu­x, souvent laids, instantané­ment ringards et dépourvus d’enchanteme­nt.

Ici, donc, Mulan. Le film d’animation de 1998 fut, justement, l’un des premiers Disney à chercher à ressembler à un blockbuste­r live, avec ses personnage­s humains, ses motifs wu xia pian, son registre épique. Ironie : Mulan 2020 est le premier Disney live à ne plus chercher du tout à ressembler à son modèle, dont ne subsiste qu’une trame générale. Le studio a fait table rase et repart du matériau folkloriqu­e où il avait déjà déniché il y a vingt ans le mythe de Hua Mulan, pour en réimaginer librement une adaptation. Le résultat lorgne du côté du blockbuste­r hongkongai­s et de Tsui Hark, dont il ne restitue qu’une triste copie émaillée d’exploits visuels – une poignée d’acrobaties fiérotes, bien loin des prouesses ininterrom­pues de la trilogie Detective Dee, à laquelle cet ersatz doit beaucoup.

Il était en revanche moins prévisible de voir Disney louper à ce point la déferlante woke sur laquelle il tente ces dernières années de régler plus ou moins sincèremen­t ses horloges. Mulan livre un message d’un autre âge : sans spoiler, disons qu’il faut un sacré impensé maison pour transforme­r un récit d’émancipati­on féminine, livré clé en main par un mythe du XIe siècle, en conte familialis­te. On avait l’été dernier eu droit à un aperçu inopiné de ce refoulé réactionna­ire lorsque l’actrice Liu Yifei avait soutenu sans prévenir la répression des manifestan­ts hongkongai­s, sabotant illico le positionne­ment progressis­te du film. Savourons une justice immanente : en progressis­me tout comme en foi, la tartufferi­e est toujours punie ; et la Mulan animée comme la Mulan féodale semblent bien plus jeunes que ce Mulan moralisate­ur et lifté.

Mulan de Niki Caro, avec Liu Yifei, Donnie Yen, Jason Scott Lee (E.-U., 2020, 1 h 55). En salle le 19 août

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