Madre de Rodrigo Sorogoyen
Avec Marta Nieto, Alex Brendemühl, Anne Consigny, Jules Porier (Esp., Fr., 2019, 2 h 08).
Dix ans après la mort de son enfant, une femme rencontre un adolescent qui le lui rappelle. Un drame glacé et troublant. Dans un appartement aux tons clairs, une mère et sa fille s’affairent et discutent. La caméra, d’abord en retrait, capture ce tourbillon quotidien à distance dans un long plan-séquence régi par des panoramiques très légers et des travellings volontairement apathiques. Un coup de téléphone soudain fait chavirer ce cadre ordinaire et familier. A mesure que ce soupçon de réel bascule dans le cauchemar le plus terrible, la caméra reste insensible à la détresse qui gagne progressivement le corps de la fille, Elena, elle aussi mère d’un petit garçon en danger, accroché à l’autre bout du fil. C’est le hors-champ d’une mort en direct que nous fait éprouver le film dès ses premiers instants, un coup de massue dont le dispositif glacé et imperturbable impressionne autant qu’il irrite : distance nécessaire ou condescendance sadique ? La suite du film nous fait retrouver Elena dix ans plus tard, installée depuis, on le devine, sur le lieu du crime, plage crépusculaire où son regard est attiré, un jour, par le visage poupin et adolescent de Jean, en qui elle croit reconnaître l’être chéri et disparu.
Si le film souffre par moment d’une mise en scène trop visible et lisible (l’objectif fish-eye singeant l’asphyxie ambiante comme un oeil mécanique et déshumanisé), il parvient cependant à trouver un éclat dans la relation trouble (projection incestueuse ou véritable histoire d’amour ?) qui se noue entre la femme meurtrie (Marta Nieto) et le jeune homme charmé (Jules Porier), dont l’intensité tient beaucoup à la qualité de ses deux interprètes.