Celles qui chantent de Sergei Loznitsa, Karim Moussaoui, Julie Deliquet, Jafar Panahi
(Fr., 2020, 1 h 15).
Quatre courts métrages sur le thème du chant féminin qui nous font voyager dans le temps et l’espace.
C’est à la 3e Scène, “scène digitale” au profit de laquelle l’Opéra de Paris commande depuis 2015 à des artistes de courtes créations audiovisuelles libres, que l’on doit ce programme de courts métrages rassemblés par la thématique (un peu fourre-tout venant d’un Opéra) du chant féminin.
Sergei Loznitsa (Une femme douce) propose en ouverture un montage reconstituant une soirée de gala au palais Garnier à partir d’archives des années 1950 et 1960. Au-delà du plaisir de voir défiler le who’s who en tenues d’apparat (de Guitry à Sagan en passant par Chaplin, Bardot, et bien sûr toutes les têtes couronnées d’Europe), l’examen précis des rites participe d’une drôle de dimension proustienne/ zweigienne. Comme si le film faisait refluer une mondanité plus ancienne encore, un “monde d’hier” au faste anachronique, auquel l’Ukrainien imprime d’ailleurs un tournoiement, un effet de mémoire vivante assez inhabituels chez lui.
S’ensuit un joli segment à la recherche de chanteuses scandant des chorales hypnotiques au fond des grottes algériennes ; puis un portrait dédoublé de femmes malades alternant une maladie vécue (à l’hôpital) et une maladie représentée (sur scène). Mais c’est l’Iranien Jafar Panahi, en clôture, qui laissera le souvenir le plus tenace, en filmant la recherche puis la rencontre d’une chanteuse interdite, cachée dans les profondeurs du pays. On l’entendra sans la voir, au terme d’un voyage en voiture puis d’une âpre négociation, préparant le terrain à un ultime plan dont on ne devrait rien dévoiler, sinon qu’il est d’une absolue splendeur – pour la bonne et simple raison que rien n’est jamais plus beau que ce que l’on cache.