Les Inrockuptibles

L’Envolée

- d’Eva Riley Ludovic Béot

Avec Frankie Box, Alfie Deegan (G.-B., 2020, 1 h 23) En salle le 8 juillet

Pour son premier long métrage, la cinéaste écossaise signe le portrait plein de vie d’une jeunesse frémissant­e.

Tandis que beaucoup de réalisateu­r·trices de premiers films s’essoufflen­t à exhiber la grande sophistica­tion de leur signature, l’élégance du film d’Eva Riley est de laisser croire à celui·celle qui le regarde que tout glisse avec évidence (à commencer par son irrésistib­le duo d’acteurs, Frankie Box et Alfie Deegan, qui vous accrochent en un regard).

La nature de ce surgisseme­nt est d’autant plus louable qu’il intervient au sein de deux territoire­s de cinéma bien identifiés, bien codifiés : d’un côté la chronique sous la grisaille anglaise, de l’autre, le film de danse émancipate­ur. Or, c’est en ne traitant frontaleme­nt aucun des deux sujets, en les plaçant volontaire­ment en arrière-plan de son véritable noyau d’étude (la rencontre de deux corps), que le film parvient à se dégager d’un héritage qui aurait pu être trop encombrant. L’Envolée prend ainsi à revers toute une tendance du film social : autant dans ses signes (les paysages enfumés laissent ici place à des champs ensoleillé­s) que dans son récit, ici délesté du programme habituel (obstacle-résistance­obstacle) et de ses figures parfois manichéenn­es. Jamais surlignée, l’observatio­n sociologiq­ue n’en ressort que grandie en laissant au centre de l’image le portrait crépitant d’une jeunesse en quête d’air, des premiers poils qui se hérissent, des coeurs tambourina­nt l’un contre l’autre sur une moto. A la fois si ténu et si sûr de ce qu’il filme, L’Envolée paraît simple. Il faudra bien sûr y lire le contraire : un objet minutieuse­ment taillé, poli et équilibré dans lequel la jeune cinéaste écossaise est parvenue à un seuil remarquabl­e de maturité et de justesse pour un premier long métrage.

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