Les Inrockuptibles

Hadrien Bels, premier roman et ode au Marseille popu

Marseillai­s pur jus, HADRIEN BELS signe l’un des premiers romans les plus excitants de la rentrée. Chronique punchlinée de l’embourgeoi­sement de sa ville, Cinq dans tes yeux sonne comme une ode au Marseille des nineties et aux minots du Panier.

- TEXTE Léonard Billot

Comment est né ce premier roman ?

Hadrien Bels — Mon quartier d’enfance, le Panier à Marseille, a complèteme­nt disparu, transformé en vitrine touristiqu­e. Je voulais lui redonner vie. Revoir mes potes, les écouter à nouveau, retrouver nos virées à la plage, en boîte de nuit ou pour un match de foot… Je voulais aussi raconter une histoire d’amitié qui ne dure pas, qui se délite avec le temps et les galères de la vie. Et puis je voulais écrire sur le Marseille d’aujourd’hui et celui d’hier. Un Marseille vécu de l’intérieur.

Qu’est-ce que vous inspire la gentrifica­tion de la ville ?

Au Panier, on l’a vue arriver de loin. Aujourd’hui, la gentrifica­tion concerne tout le centre-ville. Elle a beaucoup uniformisé la ville. Ce qui me dérange le plus là-dedans, et c’est aussi le propos de mon livre, c’est l’appropriat­ion de la lutte contre la gentrifica­tion par ceux-là mêmes qui en sont la cause. Des mecs qui viennent d’arriver, qui deviennent propriétai­res en faisant monter le prix du mètre carré et manifesten­t contre la gentrifica­tion de la ville. C’est schizophré­nique.

Et l’élection de Michèle Rubirola ?

L’équipe de Gaudin a poussé tellement loin l’incompéten­ce qu’elle a réussi à perdre la Mairie. Honnêtemen­t, elle a flingué la ville. Un des grands défis de Rubirola va être de réduire la fracture qui existe entre le nord et le sud de la ville. Certains quartiers ont été complèteme­nt abandonnés, et la dernière chose qu’ils ont trouvé à faire pour développer la ville, c’est de vendre son image. Rubirola, aujourd’hui, ça fait du bien. Mais c’est aussi la victoire des “Venants”. Ceux qui sont venus dans cette ville parce qu’elle avait ses défauts, son bordel et qui veulent aujourd’hui mettre de l’ordre.

Plus généraleme­nt, qu’est-ce que votre roman dit de la France d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je trouve qu’on se cloisonne beaucoup. Les gens sont dans leur coin et ça concerne toutes les communauté­s. Les mecs de quartier dans les bars à chichas, les artistes dans les bars alternatif­s, les bourgeois dans leurs bars à tapas. Les mondes s’ignorent de plus en plus. La France d’aujourd’hui est en train de vivre la distanciat­ion sociale, intellectu­elle, politique, urbaine et culturelle. Peut-être que mon roman parle d’une France qui se mélangeait plus, d’un Marseille qui n’était pas la France, mais qui aujourd’hui est en train de le devenir.

Quelles directions voudriez-vous voir le pays prendre pour les prochaines années ?

Je ne suis pas économiste ou géopolitic­ien et je n’ai pas envie de me lancer dans les grandes idées, mais je crois qu’il va falloir trouver des passerelle­s entre le pouvoir politique et les citoyen·nes. Je crois beaucoup au local et je suis curieux de voir comment Michèle Rubirola va pouvoir appliquer son programme et, surtout, quel modèle de démocratie le Printemps marseillai­s va mettre en place. Aujourd’hui, après les revendicat­ions, ils vont faire l’expérience du pouvoir. La responsabi­lité, même au niveau national, sera lourde. Ils seront observés et attendus au tournant.

Cinq dans tes yeux (L’Iconoclast­e), 256 p., 18 €. En librairie le 19 août

Extrait dans notre cahier complément­aire

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A Paris, en juillet

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