Les Inrockuptibles

Kelly Lee Owens

Inner Song Smalltown Supersound/Modulor

- Carole Boinet

Pour son deuxième album, la Galloise revisite la dream pop à l’aide de collages atmosphéri­ques et mélancoliq­ues. Sublime.

LORSQUE L’ON DEMANDE À JEHNNY BETH, L’EX-SAVAGES autrice d’un premier lp solo en juin, qui elle écoute, aime et suit actuelleme­nt, la réponse fuse : Kelly Lee Owens. On ne peut qu’approuver tant le premier album de la Galloise, paru en 2017, nous avait mis un coup au coeur, aussi fortement que Discreet Desires d’Helena Hauff deux ans plus tôt. La comparaiso­n s’arrête à leur mélange, habile, de techno et de voix spectrales, Kelly Lee Owens revisitant la dream pop angélique quand Helena Hauff s’approprie le post-punk bitumé.

Après des remixes pour Björk et

St. Vincent, Kelly Lee Owens revient avec le sublime Inner Song, né dans “les trois années les plus difficiles de ma vie”, explique-t-elle dans un communiqué de presse douloureux. Le disque emprunte son titre à Inner Song : Pieces for Bass and Voice (1974) du musicien de free-jazz américain Alan Silva.

Si elle partage sa recherche expériment­ale, Kelly Lee Owens ne se départ jamais d’une rondeur pop, sérieuseme­nt habitée de répétition­s, de collages et d’entrelacs, traversée d’ambient et d’une mélancolie paradoxale­ment vivace, à cheval entre beaucoup de choses sans pour autant perdre une cohérence tissée par sa voix.

S’ouvrant sur Arpeggi, une relecture en cavalcade synthétiqu­e du Weird Fishes/ Arpeggi de Radiohead (l’un de ses groupes favoris), Inner Song saisit par ses ruptures. Le brutal Melt ! dénonce la catastroph­e écologique par un martèlemen­t réalisé à l’aide de samples d’un glacier en train de fondre et de patins sur la glace, procédé qu’elle affectionn­e particuliè­rement, qui glissait sur son premier lp le bruit d’un cracker fondant ou d’essuie-glaces cassés. Lui succèdent le brumeux Re-Wild, la frappe martiale et muette de Jeanette, le phrasé presque r’n’b de L.I.N.E.

Mais le climax d’Inner Song s’intitule Corner of My Sky, où elle allie rythmique hypnotique et poésie de la voix grave de son compère gallois John Cale. Comme son prédécesse­ur, Inner Song revisite l’efficacité du morceau club en le plongeant dans une texture aquatique. L’atmosphère est mystique, bourrée d’une inquiétant­e familiarit­é, un grondement lointain comme une âme tourmentée en quête de stabilité.

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