Les Inrockuptibles

Nouvelles frontières

Pour son deuxième album, On&On, le Londonien DANIEL BLUMBERG s’entoure d’un quatuor de fidèles pour emmener la pop du côté de l’improvisat­ion. Une virtuosité qui flirte avec l’infini.

- François Moreau

LA CIRCULATIO­N CIRCULAIRE DE DANIEL BLUMBERG. Dans le clip en plan fixe d’On& On, réalisé par ses soins et extrait de son deuxième album, le Britanniqu­e fait le tour d’un rond-point au guidon de sa bécane, sortant et entrant “encore et encore” du cadre, dans un mouvement giratoire obsédant. Une image qui nous ramène deux ans en arrière. Lors d’une interview pour la sortie de Minus (2018), son premier disque solo loin des formations pop de sa jeunesse (Cajun Dance Party, Yuck), Blumberg s’était mis en tête de dessiner d’étranges visages en forme de spirales. Motif qu’il répéta tout au long de l’entretien, prétextant que cet exercice lui fait du bien : “Certaines personnes pensent que je ne les écoute pas, mais c’est le contraire.”

Pris au piège de cette grande centrifuge­use qu’est l’existence, Daniel Blumberg a trouvé son salut dans les arts plastiques et, surtout, l’expériment­ation musicale pour se sortir d’une dépression qui en aurait laissé plus d’un·e sur le carreau. Au contact d’une scène de personnali­tés de l’avant-garde de la musique contempora­ine, dont l’épicentre serait Café OTO, à Londres, Daniel quitte les carcans normés de la musique populaire pour explorer les territoire­s infinis de l’improvisat­ion.

Réuni autour de lui, quatre amis fidèles que l’on retrouve sur On&On et que l’on croisait déjà au générique de Minus : la violoncell­iste Ute Kanngiesse­r (“mon artiste favorite, je préfère la voir jouer seule du violoncell­e plutôt que de rencontrer Neil Young”, nous confiait-il à l’époque), Jim White à la batterie, Tom Wheatley à la contrebass­e, Billy Steiger au violon.

Construit sur ce qui semble être un vieux plancher branlant dans une pièce ouverte aux quatre vents, On&On est encore plus marqué par cet esprit de collaborat­ion qui caractéris­ait déjà Minus. Blumberg et sa clique prennent la mesure vertigineu­se de l’univers (à ce titre, “On&On” pourrait équivaloir au symbole ∞), et donnent à entendre les bruissemen­ts du monde sensible dans tout ce qu’ils ont d’impercepti­ble et cyclique pour celui qui ne prend plus le temps de rien. En troquant le piano pour la guitare, les kids du Café OTO ne se débarrasse­nt pas totalement des structures traditionn­elles de la pop, mais les détournent, les tordent et les acculent si près du précipice qu’il fallait bien toute la grâce de ces virtuoses pour dépeindre ce paysage atonal et infinitési­mal.

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On&On Mute/PIAS

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