Les Inrockuptibles

Une psyché de l’Amérique

- Arnaud Ducome

En revenant à ses racines musicales tout en questionna­nt son identité américaine, THE FLAMING LIPS signe le grand album que l’on n’attendait plus.

TRENTE-SEPT ANS DE CARRIÈRE. IMAGINER UNE TELLE LONGÉVITÉ artistique depuis que nous sommes entré.es de plain-pied dans l’ère de l’agonie du format physique en musique et de la condamnati­on inédite

(et temporaire) du live tient de l’exploit anachroniq­ue. Presque quatre décennies jalonnées de merveilles telles que The Soft Bulletin (1999), Yoshimi Battles the Pink Robots (2002) ou At War with the Mystics (2006), mais aussi, soyons honnêtes, d’une période moins inspirée qui installera une réelle lassitude vis-à-vis de leur recette psychédéli­que chez certain.es (“déclin” que l’on situera après Embryonic en 2009, dernier grand disque du quatuor américain). Parmi les fidèles, l’éternelle question, le mantra qui brûle les lèvres à chaque annonce de sortie d’un nouvel album est bien évidemment de savoir si celui-ci marquera le “grand retour” du groupe.

L’an passé, King’s Mouth, plaisant conte musical laissant une large place aux nappes électroniq­ues – avec Mick Jones du Clash dans le rôle du narrateur à bâton à palabres – n’avait pas réussi à ravir ce titre. Puis, il aura suffi d’une écoute d’American Head pour se laisser happer totalement. La force mélodique, les grandioses envolées pop et le chant aussi fragile que beau de Wayne Coyne touchent au coeur. Le magicien de l’Oklahoma ressemble physiqueme­nt de plus en plus au personnage de Sweeney Todd, “le diabolique barbier de

Fleet Street”, mais il revient plus en forme que jamais tout au long de ces treize plages.

Ici, le cow-boy est un junkie à veste à franges colorées

Disons-le de suite, American Head est un tournant et un sommet dans la carrière des Flaming Lips. Il réunit – tant au niveau des paroles que du son – le meilleur de ce que le groupe a pu faire tout au long de sa discograph­ie. American Head, c’est d’abord un titre faisant office de programme. Les nouvelles compositio­ns, notamment When We Die When We’re High ou Flowers of Neptune 6, soulignent l’envie des musiciens de se plonger tête la première dans l’Americana et de questionne­r leurs racines américaine­s.

Sur God and the Policeman, ils se paient d’ailleurs le luxe d’inviter la chanteuse Kacey Musgraves, poids lourd de la country US (plus proche par ses sonorités pop de Taylor Swift que de Dolly Parton). Si la virée est belle, on retrouvera quelques balises psychédéli­ques bien connues en chemin – une majorité des morceaux qui accompagne­nt ces mélodies rêveuses ressemble à un catalogue fantasmati­que de la défonce : At the Movies on Quaaludes, Mother, I’ve Taken LSD, You n Me Sellin’Weed, When We Die When We’re High… Ici, le cow-boy est un junkie à veste à franges colorées, et les grandes plaines de l’Amérique éternelle, des paradis tout autant perdus qu’artificiel­s. L’image romantique du cavalier errant, de l’outsider magnifique qui trouve le courage de poursuivre inlassable­ment sa route fait pleinement écho à la trajectoir­e courageuse du groupe.

American Head (Bella Union/PIAS)

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