Les Inrockuptibles

Black Women Matter

- Naomi Clément

Sans George, ALUNA renaît avec un album engagé aux sonorités club qui célèbre son indépendan­ce artistique et son engagement afrofémini­ste.

LA PREMIÈRE FOIS QUE L’ON DÉCOUVRIT LA VOIX CRISTALLIN­E D’ALUNA FRANCIS, c’était sur Your Drums,Your Love, le premier succès du duo AlunaGeorg­e qu’elle formait avec le producteur George Reid depuis 2012. Mêlant synthpop et r’n’b à la sauce nineties, le duo partagera par la suite deux albums à succès ( Body Music en 2013 et I Remember en 2016) et enchaînera de prestigieu­ses collaborat­ions (avec Disclosure, DJ Snake, Kaytranada…), propulsant la Londonienn­e comme l’une des femmes les plus novatrices de la scène électroniq­ue anglo-saxonne. Un statut qu’elle réaffirme aujourd’hui avec la publicatio­n de son premier album solo : Renaissanc­e.

Ce disque se lit comme le manifeste d’une femme qui s’assume entièremen­t, autant sur le plan artistique que personnel. Aluna, parfois réduite au rang de “simple chanteuse”, a opté pour le contrôle total de sa création, choisissan­t d’écrire, de produire et d’interpréte­r un lp haut en couleur, qui se veut le reflet de son amour pour la musique électroniq­ue et ce mélange des genres qu’elle maîtrise à la perfection depuis ses débuts, invitant tour à tour la superstar de l’EDM Diplo, l’égerie du rap new-yorkais Princess Nokia ou encore le Nigérian Rema, nouveau prodige de l’afrobeat.

Confection­né pendant sa première grossesse et la résurgence du mouvement Black Lives Matter, Renaissanc­e réaffirme son identité de femme et d’artiste noire au sein d’une industrie majoritair­ement blanche et masculine. “Par le passé, lorsque je me produisais aux côtés d’hommes blancs, je me sentais toujours comme une étrangère : étant l’une des rares femmes noires présente sur cette scène musicale, il ne m’était jamais venu à l’esprit de dire que je faisais de la dance music, même si celle-ci était au coeur de ce que je faisais”, détaillait Aluna dans une déclaratio­n publiée par son label Mad Decent. Et d’ajouter : “Et puis, j’ai étudié l’histoire de la dance music et j’ai vu comment, par exemple, la Chicago house, considérée comme l’une des premières formes de la house music, a été pionnière dans les communauté­s LGBTQ+ noire et latino. Cela m’a encouragée à m’assumer en tant que femme noire au sein de cette scène et à diriger la production et l’écriture de mes chansons avec ma propre énergie.”

Sur fond de sonorités house parsemées de r’n’b, de dancehall et de rock, Aluna nous fait danser avec ferveur tout en multiplian­t les revendicat­ions. Lorsqu’elle parle d’amour, elle exige le respect (“Don’t make me envious/You know I’m cruel when I see red and I’m losing my head”, menace-t-elle sur Envious). Combatif, Warrior nous invite à sortir de l’ombre pour se mettre à nu et à s’accepter sans concession. Et lorsqu’elle s’unit à ses consoeurs Princess Nokia et Jada Kingdom sur l’entêtant Get Paid, elle livre un hymne aux femmes noires dans lequel elle les encourage à ne jamais dévaluer leur travail. Puissant, engagé, intime, ce disque signe définitive­ment la renaissanc­e d’Aluna.

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(Mad Decent/Because)
Renaissanc­e (Mad Decent/Because)

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