Les Inrockuptibles

Bright Eyes

Down in the Weeds, Where the World Once Was Dead Oceans/PIAS

- Cyril Camu

Les garçons tristes du Nebraska sont devenus adultes, faute de mieux.

VERS LA FIN DE SON NOUVEL ALBUM, CONOR OBERST SE REMÉMORE UNE DISPUTE AVEC SON EX-FEMME. “Tu me traites de Peter Pan, raconte-til ainsi, avant de poursuivre : Heureuseme­nt pour moi, tu vises à côté.” Difficile de ne pas donner raison au chanteur de Bright Eyes sur ce point. A 40 ans, l’ancien adolescent triste et blafard d’Omaha, Nebraska, semble avoir accepté de vieillir. Si Down in the Weeds,Where the World Once Was évoque encore la dépression, les mois passés à gober des antidépres­seurs, Conor Oberst en a fini avec son rôle d’emo outragé.

“La vie est simple”, chante-t-il même sur le single Forced Convalesce­nce. Presque une anomalie.

A présent adulte, l’Américain n’a plus le besoin pervers et insolent de s’inventer des petits frères noyés dans leur bain pour émouvoir, comme sur ses deux premiers efforts, publiés au tournant du siècle. Ce disque de Bright Eyes, le premier depuis 2011, fait le choix de la réalité, faute de mieux. Ici, les parents vieillisse­nt, l’alcool tue, les mariages et la planète se délitent… La mort rôde, et ce n’est plus un fantasme morbide, juste un constat que la vie est parfois un peu merdique. Down in the Weeds,Where the World Once Was n’a

pour autant rien d’un album plombant, bien au contraire. Contre son malheur, Conor Oberst cherche des issues positives et use d’autodérisi­on. “Dis-moi la vérité : est-ce du sang sur tes mains ou des fruits et du chocolat ?”, rigole-t-il sur Pan and Broom. Autour du chant, incarné jusqu’à l’extrême, ses deux acolytes, Mike Mogis et Nathaniel Walcott, construise­nt une pop orchestral­e des plus généreuse, ne rechignant jamais à ajouter une nouvelle ligne de cordes ou une petite trouvaille de production.

Pour son dixième lp, Bright Eyes apparaît comme un groupe sûr de son talent, s’autorisant même certaines extravagan­ces, comme le solo très rock FM qui clôt Calais to Dover. A l’image de ce morceau, épique et entêtant jusqu’à l’obsession, le trio parvient à un drôle d’équilibre, où le spleen et l’intimité d’une chambre à coucher se confondent avec la ferveur d’un refrain grandiose repris par 20 000 voix.

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