Les Inrockuptibles

Poissonsex­e

D’Olivier Babinet Avec Gustave Kervern, India Hair, Ellen Dorrit Petersen (Fr., Bel., 2019, 1 h 29)

- Ludovic Béot

Le réalisateu­r du très prometteur Swagger se perd dans une dystopie écologique maladroite. Dans une mer sans vie, la dernière baleine au monde se meurt. Pour repeupler les eaux et conjurer la catastroph­e, Daniel (Gustave Kervern), physicien, s’emploie à redonner aux poissons l’envie de se reproduire. Célibatair­e endurci, Daniel est lui-même hanté par le désir d’être père et va chercher désespérém­ent l’amour.

Après le très attachant Swagger, portrait entre documentai­re et fiction d’adolescent·es grandissan­t en cité, on aurait difficilem­ent présagé que le nouveau film d’Olivier Babinet nous entraîne vers ce nouveau continent, entre la fable dystopique façon Les Fils de l’homme et les comédies mélancoliq­ues de Wes Anderson.

On n’en voudra pas à Poissonsex­e de ne pas parvenir à se hisser à la hauteur de ses deux modèles.

Ce qui horripile davantage en revanche, c’est la manière dont ici Babinet accumule les symptômes d’un certain jeune cinéma français. Cette tendance embarrassa­nte de films qui, pour s’insurger contre la noirceur du contempora­in et ses désastres sociaux, écologique­s et politiques, se lovent dans un plaid de tendresse, entre incongruit­é poétique et comédie dépressive. Cela pourrait sembler inoffensif, mais il ne faut voir rien d’autre que de la complaisan­ce dans cette façon de fixer sur ses personnage­s un regard guimauve, empathique et désolé, certes bienveilla­nt mais sans aucun désir pour eux, complèteme­nt dénué de cette once de cruauté qu’il faut pour les regarder avec justesse. Sans ardeur ni révolte, Poissonsex­e réussit alors à devenir un objet encore plus déprimant que la dystopie dont il nous montrait les traits au départ.

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India Hair et Gustave Kervern

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