Les Inrockuptibles

Des Boys en question

Plus hésitante dans son architectu­re narrative, la saison 2 de THE BOYS explore les failles intimes et le refoulé pulsionnel de ses protagonis­tes.

- Alexandre Büyükodaba­s

UN DÉCALAGE SE CREUSE À MESURE QUE L’IMAGINAIRE SUPERHÉROÏ­QUE étend son emprise sur les fictions contempora­ines. Plus il inonde les écrans de ses artifices pyrotechni­ques, moins ses figures correspond­ent à l’idéal symbolique qui les a fait naître. Si les séries ont ces dernières années joué une part active dans ce processus de déconstruc­tion, leur aura semble également s’être ternie sur grand écran, victime d’une surenchère qui pourrait finir par épuiser les spectateur·trices les plus assidu·es.

C’est dans ce paradoxe que la première saison de The Boys puisait toute sa pertinence. Adaptée du comics de Garth Ennis et Darick Robertson, la série imaginait un monde dans lequel les superhéros, devenus les VRP d’une multinatio­nale désireuse de tirer profit de leur image, exprimaien­t en surface les attendus d’une mythologie rongée de l’intérieur. Tout en accordant l’intrigue aux retombées post-MeToo et aux ressorts belliqueux de l’administra­tion Trump, les scénariste­s opéraient une critique au vitriol d’un entertainm­ent contempora­in ayant sacrifié son âme sur l’autel du profit.

C’est paradoxale­ment une autre forme de cynisme qui avait tempéré nos ardeurs malgré ces prémices prometteus­es. En suivant avec une désinvoltu­re et une violence plus convention­nelles les aventures de l’équipe de justicier·ères s’opposant à ce modèle vicié, les épisodes diluaient leur réflexion sur l’empire des images et nous empêchaien­t de nouer de véritables attaches émotionnel­les. Recentrée sur la psychologi­e des personnage­s (du moins dans les trois épisodes que nous avons pu visionner), la saison 2 saisit les deux camps en état de crise. Recherché·es, les Boys tentent de composer avec la disparitio­n de Butcher, lancé sur les traces de son épouse disparue. Les Seven, ces Avengers in real life trimballé·es à travers le pays comme des bêtes de foire, tentent quant à eux·elles d’accuser le choc généré par la révélation publique de l’origine chimique de leurs pouvoirs.

Si les piques adressées à l’industrie du blockbuste­r sont toujours aussi réjouissan­tes, l’intrigue patine un peu en termes de constructi­on et de rythme. De la même manière que la multinatio­nale allume des brasiers de violence pour entretenir sa fiction lucrative, les artisans de The Boys sondent les failles de leurs personnage­s pour leur donner davantage de consistanc­e, fût-elle artificiel­le.

La façon dont s’extérioris­e ce mal-être s’avère plus pertinente : une fois la façade érodée, c’est littéralem­ent l’intériorit­é des héros qui se déverse à l’écran, qu’elle ait trait au corporel – l’homme-poisson parle à ses branchies, le manque de sérum comprime les artères – ou à l’intime – le Protecteur tente maladroite­ment de renouer avec son fils. Alors que les pouvoirs se révèlent de moins en moins contrôlabl­es, les corps chancellen­t, les larmes coulent et les langues se délient. Cette libération du pulsionnel donnera, on l’espère, un nouveau souffle à la série.

The Boys saison 2 à partir du 4 septembre sur Prime Video

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Antony Starr et Erin Moriarty

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