Les Inrockuptibles

Rocks de Sarah Gavron

Avec Bukky Bakray, Kosar Ali (G.-B., 2019, 1 h 33)

- Marilou Duponchel

La rude entrée dans l’âge adulte de deux enfants à l’abandon. Un film qui se veut naturalist­e mais aux effets un peu trop visibles. Après avoir retracé la lutte des Suffragett­es, Sarah Gavron braque à nouveau sa caméra vers un groupe de jeunes femmes de leur temps. Elles n’ont pas les revendicat­ions et la véhémence de leurs aînées, mais elles appellent, sans le formuler directemen­t, un droit à être filmées, parce qu’elles existent, parce qu’elles sont là. On sent bien quel engagement honorable se trouve derrière Rocks, cette volonté impérieuse de placer en son centre des corps et des visages d’aujourd’hui et pourtant jamais suffisamme­nt montrés et regardés. Au milieu d’une bande de filles de 15 ans, groupe d’anonymes élaboré délibéréme­nt comme un véritable melting-pot féminin, se tient Rocks, un petit frère sous le bras dont il faut s’occuper, bientôt abandonnée par une mère évaporée dans la nature. A partir de cette fracassant­e et précoce entrée dans l’âge adulte, le film prend la forme d’un chemin de croix pour les deux enfants, confronté·es à la violence intégrée d’une société inégalitai­re et raciste.

Dommage alors que malgré ses hautes intentions et sa sororité prononcée, le film ne parvienne à rendre en l’état ce vaste concept de “naturel” sur lequel il fonde sa matrice – le film a été créé à partir d’ateliers d’écriture participat­ifs transformé­s en incubateur de fiction – et sa croyance – “scènes de vie” comme prises sur le vif – pour ne laisser que trop apparentes les coutures d’une entreprise de fabricatio­n d’un réel de toute manière falsifié.

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