Les Inrockuptibles

Karma sutras

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A l’occasion d’une réédition augmentée et fastueuse du légendaire Sign o’ the Times de PRINCE, retour sur un disque charnel et spirituel qui, en 1987, convoquait un demi-siècle de musique.

LES DOUBLES ALBUMS SONT SOUVENT DES BOÎTES DE PANDORE À DOUBLE-FOND d’où décampent délices et affliction­s : le White Album (1968) des Beatles, où le guilleret Ob-La-Di, Ob-La-Da voisine le suicidaire Yer Blues ; l’Electric Ladyland (1968) de Jimi Hendrix, où l’épicurien Come On fraie avec le démoniaque Voodoo Chile… Sign o’ the Times n’aura échappé à cette fatalité que pour succomber à une autre, avec laquelle Prince s’est toujours débattu : le conflit entre charnel et spirituel. Au point de faire ressembler toute sa discograph­ie à un Kamasutra mâtiné d’évangiles récités par un Eros converti à l’eschatolog­ie.

“Kamasutra” : “aphorismes des désirs”, en sanskrit. Or, si désirs il y a, ils sont avant tout musicaux sur ce double album qui s’apparente à une grande roue ventilant d’infinies combinaiso­ns, actionnée par un génie à l’imaginatio­n en fusion. Est convoquée l’intégralit­é des couleurs musicales du demisiècle écoulé – gospel, blues, jazz, folk, rock, pop, funk, rap, electro –, sans qu’à aucun moment on puisse parler de soumission à tel ou tel genre. Moins encore d’exercice de style. Entièremen­t accaparé par l’invention d’une musique du futur, mis sous pression par la montée en puissance du hip-hop et de la house, Prince délivre une série d’ovnis sonores tel un Frankenste­in au pays des mille danses.

C’est flagrant sur l’éponyme Sign o’ the Times avec sa ligne de

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