Les Inrockuptibles

Lux Æterna de Gaspar Noé

Avec Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg (Fr., 2019, 0 h 50)

- Marilou Duponchel

Moyen métrage commandé par la maison Saint Laurent, cette satire horrifique tourne rapidement à vide. Répondant à l’invitation du directeur artistique de Saint Laurent, Gaspar Noé a bidouillé, à grande vitesse, la trame de son nouveau film. Un concept, deux lignes de scénario et cinq jours de tournage plus tard, voici Lux Æterna, film de commande financé par la maison de luxe. Le cadre sert surtout de prétexte et offre à Noé un territoire dans lequel injecter ses obsessions, qui prennent ici la forme d’une satire horrifique où le plateau de tournage, lieu de l’action, se change en théâtre du chaos. Seule consigne : recruter les égéries de la marque dans leurs habits publicitai­res, soit Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle, dans leurs propres rôles. La première fait l’actrice et doit se glisser dans la peau d’une sorcière. La seconde est réalisatri­ce. Au départ, le film tire de sa facture de bouts de ficelle une certaine fraîcheur documentai­re, exposée dans une séquence introducti­ve : on y voit les deux femmes, en coulisse, bavarder au coin du feu dans un salon cossu. Si Lux Æterna esquisse quelques pistes de réflexion intéressan­tes (la sorcelleri­e, le sexisme dans le cinéma, la figure de l’artiste tyran, etc.), les idées, elles, sont comme des courants d’air : à peine soulevées, déjà évanouies. La machine Noé ne prend pas le temps de s’y confronter. Une fois enclenchée, la mécanique aspire ses personnage­s dans un énième cauchemar qui exhibe son grand désordre sans que jamais la subversion tant convoitée ne secoue les cadres d’un film qui cherche à nous l’enseigner. C’est que l’entreprise rêvée du cinéaste est surtout animée par un surplomb théorique qui n’est là que pour asseoir le génie de son auteur et sa prétendue transgress­ion, qu’il tente de légitimer à grand renfort de citations (Buñuel, Dreyer ou Godard). La transe promise par cette “lumière éternelle”, titre qui s’incarne dans une dernière partie interminab­le, n’adviendra pas car, dans ce cinéma, nous ne sommes, dans le fond, que des pantins, ligotés à notre siège comme le personnage de Charlotte à son bûcher.

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