Enola Holmes de Harry Bradbeer
La petite soeur de Sherlock Holmes fait le mur pour retrouver sa mère disparue. Adaptation Netflix d’un roman jeunesse, une version féministe et dépoussiérée du mythe du détective.
“VOUS INSPECTEZ LE MONDE
À LA LOUPE, MAIS VOYEZ-VOUS COMME IL CHANGE ?”, demande une femme à un Sherlock Holmes interloqué. En guise de réponse, le célèbre détective privé n’émet qu’un vague froncement de sourcils, preuve que la question a touché juste. Et pour cause : à côté de leur jeune soeur Enola, détective en herbe et aspirante féministe, Sherlock et son frère Mycroft passent pour de véritables boomers. C’est que la jeune femme, qui partage avec son frère aîné une intelligence aiguë et un sens de la déduction redoutable, n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Lorsque sa mère, qui l’a élevée seule au manoir familial, disparaît mystérieusement – laissant derrière elle un jeu de pistes lui étant destiné –, Sherlock et Mycroft ne trouvent rien de mieux que d’envoyer leur soeur dans un pensionnat de jeunes filles. Enola, peu encline à suivre les conventions bienséantes d’une société britannique corsetée, s’enfuit à Londres, bien décidée à retrouver la trace de sa mère.
Créé en 2006 par l’autrice jeune public Nancy Springer, embrassant un siècle de tradition holmésienne de mutations et détournements des écrits de Sir Arthur Conan Doyle, le personnage d’Enola Holmes s’offre une adaptation
Netflix dans l’air du temps. Dans le Londres bouillonnant du début du XXe, où commencent à se faire entendre les revendications des suffragettes, la jeune détective, incarnée par Millie Bobby Brown, découvre peu à peu la vie secrète de sa mère (Helena Bonham Carter), activiste révolutionnaire à la tête d’une sororité antipatriarcale. Plutôt laid visuellement, et très teenage dans ses effets de style connivents (beaucoup d’adresses aux spectateur·trices dispensables), le film de Harry Bradbeer (à qui l’on doit la réalisation d’épisodes de Fleabag, Ramy ou Killing Eve) n’en demeure pas moins intéressant dans sa relecture féministe et déconstructiviste du mythe holmésien.
Récit d’initiation en forme d’émancipation, pédago et plutôt bien troussé, Enola Holmes devrait emporter l’adhésion d’un jeune public et épouser les convictions féministes des moins jeunes. On repassera toutefois sur la partition de Henry Cavill, aka Superman (quelle drôle d’idée), dans la peau d’un Sherlock musculeux et bien trop lisse.
Enola Holmes de Harry Bradbeer, avec Millie Bobby Brown, Helena Bonham Carter, Henry Cavill (E.-U., 2020, 2 h 03). Sur Netflix