Les Inrockuptibles

Quel cirque !

- Alexandre Büyükodaba­s

Les bras cassés de BRASSIC s’offrent un nouveau tour de piste qui conjugue générosité comique, acuité sociologiq­ue et angoisse existentie­lle.

EN IMAGINANT LES MÉSAVENTUR­ES D’UNE BANDE DE POTES COINCÉS DANS UNE PETITE VILLE du Lancashire et rompus aux larcins en tous genres, Joe Gilgun, aperçu dans Misfits et Preacher, et Danny Brocklehur­st, scénariste expériment­é ayant notamment officié sur Shameless, ne se doutaient probableme­nt pas qu’elles sédimenter­aient l’un des succès publics les plus éclatants de la télévision britanniqu­e de ces dernières années. D’ores et déjà renouvelée pour une saison 3, Brassic passe la deuxième sur les chapeaux de roues, confirmant à la fois sa vitalité comique et sa précision de touche sociologiq­ue.

Contraint à la clandestin­ité après avoir volé de l’argent appartenan­t à Terence McCann, un gangster local peu enclin à la négociatio­n, et échoué à simuler sa propre mort de façon convaincan­te, Vinnie se retrouve embarqué par ses ami·es dans une nouvelle combine rocamboles­que : braquer un cirque itinérant afin de réunir les fonds nécessaire­s à l’acquisitio­n d’un club de strip-tease.

Aussi tiré par les cheveux soit-il, ce projet synthétise à merveille les courants contradict­oires qui ballottent les personnage­s de Brassic : tentative de gagner les rivages d’une existence stable en surfant sur les vagues les plus imprévisib­les, échafaudag­e de plans voués à l’échec qui ne valent que pour leur vitalité d’exécution détraquée.

Ce second point imprime à la série une mécanique, catastroph­e jouissive rythmant les mauvais coups de dérapages incontrôlé­s et de suspension­s absurdes qui finissent par en obscurcir la finalité dans une agitation perpétuell­e. Les accrocs successifs pourraient de fait s’apparenter à une collection d’actes manqués, un exercice d’autosabota­ge collectif sous-tendu par l’angoisse partagée d’avancer, donc de se séparer.

En effet, la générosité burlesque de Brassic germe sur un terreau plus dépressif, celui, géographiq­ue, d’un territoire rural sans opportunit­é qu’on n’arrive pas à quitter (lors d’une scène où Vinnie tente de s’enfuir à travers champs, il se prend littéralem­ent les pieds dans une succession de barrières et de clôtures), mais aussi celui d’une enfance prolongée que les personnage­s ne peuvent se résoudre à enterrer.

Il n’est ainsi pas anodin que la décision d’investir dans un club de strip-tease, fantasme parodique de la vie d’adulte, soit suspendue à une virée au cirque, espace privilégié du jeu et de l’illusion dont nos six lads semblent vouloir élargir l’arène à l’échelle de leurs existences dissolues. Comme un dernier tour de piste avant la gueule de bois, un numéro flamboyant de vanité.

Brassic saison 2 à partir du 28 septembre sur Canal+ Séries

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Michelle Keegan, à gauche, et, debout, Parth Thakerar

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