Clap Your Hands Say Yeah

New Fragility CYHSY/Modulor

Le retour inattendu d’un grand groupe rock sur un sixième album flamboyant.

FIGURE MAJEURE DE L’INDIE ROCK NEW-YORKAIS, Clap Your Hands Say Yeah avait réussi à mettre tout le monde d’accord avec un premier album brillant en 2005. Les disques suivants se prendront malheureusement les pieds dans le tapis rouge et ne retrouveront jamais tout à fait la force et l’évidence des premiers titres. “Etre et avoir été” : cette chronique aurait pu revenir sur le jeu cruel du succès et de l’oubli qui frappe tant de formations indie, ce ne sera pas le cas. Avec New Fragility, tout est affaire de renaissance… dans la douleur. Les membres originels de CYHSY ayant quitté le navire depuis longtemps, c’est toujours seul qu’Alec Ounsworth signe toutes les compositions. Si l’on notait déjà les signes d’un retour en forme sur le précédent The Tourist (2017), celui-ci est un véritable tour de force. Les deux titres d’ouverture, Hesitating Nation et Thousand Oaks, nous happent immédiatement. Evoquant la situation politique américaine calamiteuse, l’album s’ouvre comme un cahier des doléances et aborde frontalement les grandes angoisses de l’époque aussi bien que les doutes personnels (affres de la création, sentiment d’abandon…).

Si la formule du rock à guitares du groupe n’évolue guère, son lyrisme est plus flamboyant que jamais. Le chant légèrement chevrotant d’Alec Ounsworth – cette voix singulière comme taillée par des ongles sur un tableau d’ardoise, toujours prête à dévisser avant de retrouver la note – s’accorde parfaitement à la mélancolie du disque. New Fragility remet “la poétique des ruines” au goût du jour en contemplant la fragilité de notre civilisation. Une réflexion sur la beauté propre du fragile comme sur la fragilité du beau comme tel. On pourra toujours ergoter sur le rock et sur ce qui lui reste à “dire” sur notre époque, il demeure un formidable support pour s’auto-apitoyer de concert. Et si les chants les plus désespérés sont aussi les plus beaux, New Fragility nous en donne une éclatante démonstration en s’imposant comme l’album le plus réussi et personnel du groupe.