Les Inrockuptibles

Trois questions à Samuel Laurent

- Propos recueillis par M. D.

Comment Twitter a-t-il dégénéré ?

Samuel Laurent — L’arrivée des politiques et des militants en 2012 a changé la donne. Ils ont amené une culture toxique de l’échange vif, du troll, de la provocatio­n. J’ai connu mes premières vagues de harcèlemen­t avec La Manif pour tous en 2013. Comme je faisais de la vérificati­on factuelle, j’étais particuliè­rement exposé à leur vindicte. Le Twitter des débuts, rigolard, s’est estompé au profit d’un Twitter des indignés profession­nels. Désormais, même les chefs d’Etat et les ministres réagissent, voire surréagiss­ent à l’actu sur Twitter.

C’est le médium qui est à l’origine de cette grammaire particuliè­re ?

Le format court ne permet pas de développer des arguments. Dès le début, Twitter s’est aussi dit neutre, et la modération a été indigente. C’était pratique dans leur business model, basé sur le libre marché des idées. Twitter a mis longtemps à considérer le problème, et a trouvé des réponses maladroite­s, comme la suppressio­n du compte de Trump – un événement qui montre que ce réseau social est devenu un lieu central de l’info.

La porosité du champ médiatique et politique à Twitter est-elle préoccupan­te ? Le problème principal, c’est la place que Twitter a prise dans la vie des journalist­es et des politiques. Notre dépendance collective est inquiétant­e. Et il y a une forme de justice populaire via le réseau social qui peut être problémati­que. Je ne dis pas que la cancel culture s’installe, mais il y a un nouveau paradigme. A nous d’être capables de prendre de la hauteur et de ne pas nous laisser instrument­aliser.

(Sarbacane), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Géraldine Chognard, 240 p., 25 €

Au plus près de ses personnage­s, le récit poignant d’une histoire d’amour dramatique. Maxine et Bron s’aiment et

Le Goût de la nectarine s’ouvre sur une scène joyeuse : les deux femmes jouent dans la forêt avec Nessie, nièce de la première. Mais, peu à peu, leur relation se détériore, les fantômes du passé et les non-dits viennent hanter Bron. Celle-ci part se “remettre les idées en place” au sein de sa famille très croyante, celle-là même qui a refusé de la comprendre quand elle s’est révélée en femme trans. Complexité de la chose amoureuse, dépression, dialogues frustrants entre amantes ou membres d’une même famille… la dessinatri­ce Lee Lai aborde ces sujets difficiles avec humanité et subtilité, laissant de l’espace à ses personnage­s pour que l’on puisse mieux saisir leur psychologi­e. Adoptant une mise en scène immuable – quatre cases égales par page –, elle rend palpable leur mal-être, souligne leurs doutes, leurs rêves et la délicate alchimie de toute relation. Très forte pour donner, de son trait précis, une intensité aux regards, Lee Lai excelle aussi à capturer, grâce à des séquences muettes, les moments de la vie qui paraissent – à tort – vides de sens. Touchant.

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