Les Inrockuptibles

Cloud Nothings

- Cyril Camu

Parallèlem­ent à la réédition de son premier album, le groupe de Cleveland retrouve le producteur Steve Albini pour un disque bruitiste et concis.

The Shadow I Remember Carpark Records/Bigwax

DYLAN BALDI N’A PAS ENCORE 30 ANS, ET LE VOILÀ POURTANT DÉJÀ À UN TOURNANT. A un âge où certain·es sortent leur premier disque, la tête pensante de Cloud Nothings fait déjà presque figure de vétéran, de relique. “Est-ce que je suis devenu vieux ou est-ce juste une nouvelle étape ? Est-ce déjà la fin ?”, s’interroge-t-il d’ailleurs en ouverture de son nouvel album. Preuve d’une peur de passer boomer de façon prématurée autant que d’une crise existentie­lle légitime : ces derniers temps, Cloud Nothings aura eu un comporteme­nt de vieux monsieur, entre la réédition de l’inaugural Turning On

(2009) et les retrouvail­les avec Steve Albini, déjà aux manettes d’Attack on Memory (2012), pour l’enregistre­ment de ce septième LP.

En novembre, le producteur légendaire d’In Utero avait été violemment attaqué dans la presse par Elvis Costello. “Il ne connaît rien en matière d’enregistre­ment !”,

avait lancé ce dernier. The Shadow I Remember ne sera pas le disque qui fera remonter l’Américain dans le coeur du chanteur anglais. Le son des instrument­s a si peu d’ampleur qu’il pourrait avoir été capté à l’iPhone. Par le passé, Cloud Nothings a cherché à dépasser ses propres limites sonores, jusqu’au très réussi

Life without Sound (2017), tentative avortée d’accessibil­ité. Sur son nouvel album, le groupe de Cleveland fait aujourd’hui preuve d’une économie féroce, jusqu’au-boutiste. Toutes les fioritures ont été laissées à la porte du studio, si ce n’est une fois l’apparition d’un choeur féminin, voire quelques notes de piano.

Fini également les morceaux qui, jadis, pouvaient s’étendre jusqu’à dix minutes – mais à quoi bon jouer la montre quand moins de trois minutes suffisent pour tout casser ? Car, comme d’autres secrets bien gardés, nés en marge des grands pôles culturels, entre les mains sales d’Husker Dü, The Replacemen­ts ou encore Dinosaur Jr., les morceaux de Cloud Nothings ne se réalisent pleinement que dans le bruit.

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