En Avant !
Illustrateur reconnu, ce trentenaire réunit toutes ses obsessions dans sa première BD où un tueur sert de moteur à un récit envoûtant.
PLUTÔT “SOLITAIRE ET INTROVERTI”,
LE DESSINATEUR FRANÇAIS n’est pas près de manier une caméra, d’autant plus qu’il est bien occupé depuis qu’il reçoit des commandes émanant du NewYork Times ou du New Yorker. Mais c’est bien le cinéma qui a marqué sa jeunesse et inspire à Antoine Maillard cadrages et plans atmosphériques. Le trentenaire se souvient ainsi de son adolescence où il a vécu par procuration, en regardant des films d’horreur loués dans les vidéoclubs : “J’aimais beaucoup les scènes d’exposition, quand il ne se passe encore rien de terrible” – une attirance pour la vie rêvée et les ambiances vaporeuses qui irrigue sa première bande dessinée. Nourrie par une résidence à
San Francisco, L’Entaille embrasse tant des influences et des intérêts de l’auteur qu’il planche dessus depuis huit ans. On y retrouve sa fascination juvénile pour les codes du slasher avec un mystérieux tueur à la batte qui terrorise une ville côtière américaine. La présence de ce serial killer au visage impénétrable sert en réalité de prétexte à la peinture d’une jeunesse paumée, entre fantasmes violents et valse des sentiments.
Maniant crayon à papier tout en assurant sur ordinateur le “travail de postproduction”, Antoine Maillard y enchaîne des images mémorables qui provoquent, par leurs jeux de lumière et de textures, des instants d’immersion comparables à ceux que l’on ressent face aux tableaux d’Edward Hopper ou aux photos de Gregory Crewdson. Rien d’une coïncidence : il aime dans les oeuvres de ces deux artistes les dimensions introspective et contemplative. “J’essaie vraiment de retrouver l’ambiance qui se dégage d’une photographie”, reconnaît ce control freak, qui n’aime rien tant que faire le maximum de choses lui-même pour garder la main sur son univers.
L’Entaille (Cornélius), 152 p., 25,50 €