Les Inrockuptibles

Rencontre avec Sacha Got et Marlon Magnée

- TEXTE François Moreau & Franck Vergeade PHOTO Jules Faure pour Les Inrockupti­bles

Espéré depuis 2016, le troisième album de LA FEMME, Paradigmes, est à la hauteur du meilleur groupe pop français de sa génération. Binôme historique de la formation basque, Marlon Magnée et Sacha Got viennent joyeusemen­t “foutre le bordel” dans un printemps qui ne demande qu’à s’embraser.

DÉJÀ ONZE ANS QUE LA FEMME NOUS COLLE AUX BASQUES. FORMÉ À BIARRITZ À LA FIN DES ANNÉES 2000 par Marlon Magnée et Sacha Got, deux copains d’enfance, le groupe est rapidement devenu, en quelques singles tubesques (Sur la planche, Télégraphe, Paris 2012) et deux pochettes mémorables détournant le célèbre tableau de Gustave Courbet (Le Podium, From Tchernobyl with Love), l’étendard de la pop française. Au point de triompher dès son premier album, Psycho Tropical Berlin – trois mots pour résumer l’ADN de La Femme –, doublement récompensé d’un disque d’or et d’une Victoire de la musique alors que des Cassandre leur reprochaie­nt hâtivement une signature en major (Barclay/Universal). Multiplian­t les voix féminines, dont l’une (Clara Luciani) deviendra plus célèbre que les autres (Clémence Quélennec officiant désormais en solo avec Aja ; Jane Peynot ; Sarah Benabdalla­h, future chanteuse de Mauvais OEil ; Pandora Decoster ; Dyna Dagger…), le groupe écume les salles de concert et les tournées internatio­nales (près de 500 dates, dont une centaine en Amérique), poursuivan­t son oeuvre discograph­ique avec un deuxième album qui, une fois encore, mélange tous les genres (rock sixties, cold wave, synthpop, musique surf, chanson yéyé…) avec une inspiratio­n décoiffant­e et un sens inné du tube visionnair­e (Où va le monde). Un Mystère qui fait du bruit dans le Landerneau et qui atteste définitive­ment que “La Femme est l’avenir du rock”. Hésitant un temps à enchaîner les maxis thématique­s (Hawaïenne, Western, Nymphes et Succubes), le tandem historique de La Femme pioche dans une vaste collection de chansons écrites et composées depuis ses débuts, imaginant de nouveaux Paradigmes et livrant depuis la rentrée de septembre déjà six singles, à chaque fois clippés et prochainem­ent réunis dans une vraie-fausse émission télévisée. Flirtant désormais avec la trentaine, Marlon Magnée (toujours aussi volubile) et Sacha Got (plus posé et en demi-gueule de bois) n’ont rien perdu de leur gouaille.

“Les paradigmes sont partout, ils sont dans nos vies parsemées de tournants, d’extases et de tourments”, écrivez-vous dans la préface du livret. Comment Paradigmes s’est-il imposé comme titre de votre troisième album ?

Marlon Magnée — C’est un mot qui nous interpella­it depuis longtemps, il sonnait bien mystérieux comme on aime. Après Mystère, Paradigmes, ça relevait presque de l’évidence. Quand on a fini le disque fin 2019, début 2020, nous tournions la page des années 2010 et nous entrions dans un nouveau paradigme avec les années 2020. Avec la pandémie, le titre a pris une autre résonance, à l’instar des paroles du single Paradigme : “Les masques tombent pour célébrer le néant et la folie.” L’actualité nous a rattrapés.

Sacha Got — C’est notre côté visionnair­e (sourire).

Vous n’aviez jamais laissé passer autant de temps entre deux albums.

Marlon Magnée — Effectivem­ent, cinq années se sont écoulées depuis Mystère, mais le climat n’était guère propice l’an passé pour publier un nouvel album. Dans l’histoire du groupe, on a toujours aimé prendre notre temps. Forcément, on souhaitera­it aller plus vite, mais écrire de bonnes chansons nécessite du temps. Cela nous a aussi permis de réaliser tous ces clips en prévision du film autour de Paradigmes, même s’il en reste encore deux, trois à tourner sur les quinze.

Vous semblez toujours très attachés au format de l’album…

Sacha Got — L’album est un format à la fois très important et très contraigna­nt. Il faut disposer de tous les morceaux pour en avoir une vision d’ensemble et les chiader suffisamme­nt pour que le disque puisse résister à la patine du temps.

Marlon Magnée — Surtout que nous sommes du genre à placer quinze chansons par album, ce qui peut paraître paradoxal à l’heure où les gens consomment de plus en plus la musique titre par titre. Nous ne sommes pas un groupe de concept album, nous préférons faire marcher la locomotive du disque avec plein de points d’entrée.

La quête du single fait toujours partie de votre processus créatif ?

Marlon Magnée — On raffole des singles, mais il ne faut jamais se fourvoyer dans la recherche du tube formaté. D’ailleurs, certains tubes, comme I Feel Love de Donna Summer, Thriller de Michael Jackson ou même Seven Nation Army des White Stripes n’étaient pas prédestiné­s à le devenir.

Quels sont à ce jour les singles les plus populaires de La Femme ?

Sacha Got — En termes de streams, c’est Sur la planche et Où va le monde.

Un autre titre visionnair­e…

Marlon Magnée — Kendji Girac a aussi écrit une chanson qui s’appelle

Où va le monde (sourire).

Sacha Got — Ce titre résonne toujours quel que soit le moment. A sa sortie, en 2016, on nous disait parfois qu’Où va le monde faisait écho aux attentats de 2015. Le clip avait d’ailleurs été tourné dans le quartier de République où l’on habitait à l’époque, et on y voit à la fin des images en hommage à Charlie.

“Nous sommes avant tout des amoureux de la musique. On aime se frotter à tous les styles, comme un caméraman qui cherche de nouveaux angles de vue” MARLON MAGNÉE

“A l’origine, on avait proposé Le Sang de mon prochain à Vanessa Paradis, mais son directeur artistique ne lui a jamais fait écouter au vu des paroles…”

SACHA GOT

Comme à l’accoutumée, Paradigmes

ressemble à un juke-box qui reflète toutes vos obsessions musicales.

Marlon Magnée — C’est comme une playlist, il y en a pour tous les goûts.

Sacha Got — Dans chaque style, on essaie toujours de réussir la meilleure chanson possible.

Marlon Magnée — Cette variété n’est jamais calculée, nous agissons par spontanéit­é. Nous sommes avant tout des amoureux de la musique. On aime se frotter à tous les styles, comme un caméraman qui cherche de nouveaux angles de vue.

Sur le nouvel album, un titre comme Disconnexi­on porte la signature du groupe et rappelle la structure de certains morceaux de Psycho Tropical Berlin.

Marlon Magnée — On ne cherche pas à se faire identifier dès les premières notes ni même à plaire aux fans, mais il y a des codes qu’on retrouve dans notre répertoire. Par exigence, il nous arrive parfois de virer des chansons qui pourraient sonner comme des doublons.

Sacha Got — Surtout qu’on avait l’embarras du choix, en disposant d’une centaine de titres composés depuis dix ans. Le Sang de mon prochain date, par exemple, de 2012.

Comment décidez-vous de ressortir des vieux morceaux des tiroirs ?

Marlon Magnée — Notre but est de tout sortir, et il nous arrive parfois d’avoir des scrupules de laisser dormir de telles chansons. Le Sang de mon prochain était déjà passé deux fois à la trappe, il était temps de la publier. Beaucoup nous disent d’ailleurs que ça leur rappelle Le vide est ton nouveau prénom.

Sacha Got — A l’origine, on avait proposé Le Sang de mon prochain à Vanessa

Paradis, mais son directeur artistique ne lui a jamais vraiment fait écouter au vu des paroles…

Malgré votre trentaine à peine entamée, vous faites parfois figure de vétérans de la scène pop française.

Sacha Got — Fatalement puisque, à 30 ans, certains n’ont toujours pas sorti leur premier album. On a débuté La Femme tellement tôt qu’on s’est retrouvés embarqués très jeunes dans le circuit.

Marlon Magnée — On a vécu des années 2010 très intenses.

Sacha Got — Avec des hauts et des bas. Une décennie velue…

La Femme symbolise d’ailleurs le groupe français des années 2010.

Marlon Magnée — On a toujours éprouvé cette fascinatio­n pour les décades, que ce soit les années 1920, 1950, 1960 ou 1980. Savoir qu’on fait partie quelque part de l’histoire d’une décennie nous réjouit.

Vous auriez aimé vivre dans une autre époque ?

Sacha Got — Bien sûr, par curiosité, mais La Femme n’aurait pas pu exister antérieure­ment car on a eu la chance de faire de la musique assistée par ordinateur, en pouvant nous enregistre­r nous-mêmes.

Sacha Got — GarageBand nous a sauvé la vie !

Marlon Magnée — Pour Psycho Tropical Berlin, on avait encore besoin d’aller en studio, mais à la fin de l’enregistre­ment de l’album, on a réussi à installer ProTools sur nos laptops et à disposer de notre propre home studio.

Sacha Got — On peut ainsi expériment­er plein d’idées, comme tester des natural voices du logiciel Witchcraft ou des discours de conférence­s de philosophi­e sur la première version de

Disconnexi­on. Sans bien maîtriser Michel Foucault, le trip du philosophe à lunettes dans un univers déjanté nous faisait marrer.

Avez-vous l’impression d’avoir été clonés par d’autres groupes ?

Sacha Got — Bien sûr, et pourtant, nous n’étions pas dans l’air du temps quand on a commencé La Femme.

Marlon Magnée — La moralité de l’histoire, c’est que tes propres paradigmes peuvent être adaptés par d’autres. Après une décennie 2000 où la plupart des groupes portaient des noms anglais et chantaient en anglais, on nous prenait pour des fous de partir aux Etats-Unis en chantant en français. C’était vachement cool pour nous d’avoir direct bourriné l’étranger. Parce que ça nous a permis d’installer cette idée comme une évidence.

Sacha Got — Pour être original, on a décidé de faire tout ce qui n’avait pas cours à l’époque.

Marlon Magnée — Rien que le nom du groupe, on n’a pas choisi de s’appeler The Machin. Et pour se démarquer de la sobriété des années 2000, qui était en réaction aux décennies 1980 et 1990 plus flashy, on voulait ressuscite­r un côté freaks.

Quels souvenirs gardez-vous de ces années où vous avez monté vos premières tournées aux Etats-Unis avec quasiment rien ?

Marlon Magnée — C’était une bonne idée et ça nous a aussi beaucoup servi. En France, personne ne voulait nous programmer. C’était même dur de trouver des dates. Un jour, on devait faire le Bus Palladium, mais le mec nous a déprogramm­és. Pour plein de gens, le fait d’être allé aux Etats-Unis les a rassurés.

Sacha Got — Il y a eu des articles dans deux, trois blogs bien placés, et les gens ont tiqué. Mais même pour nous, en tant qu’expérience humaine, c’était ouf.

Marlon Magnée — Partir à 20 ans, avec pas trop de thunes, tu te démerdes, tu dors chez les gens, tu bouffes des patates, tu fais des crêpes, tu joues de la musique. C’était cool, quoi.

On a aussi l’impression que vous vous êtes vraiment forgés sur scène, plus qu’en studio. On se rappelle l’attente énorme du premier album, entre 2010 et 2013. Vous avez surtout écumé les salles à cette époque.

Sacha Got — Ça s’est fait par la force des choses. D’un coup, on a été très sollicités, bookés partout et, en même temps, on bossait sur l’album. On faisait les deux de front : travailler sur un disque et tourner. C’est aussi pour ça que le disque a mis du temps à sortir. Je pense qu’on a pris du bagou sur scène, c’est vrai, mais notre truc c’était surtout de finir le disque.

Vous aviez la pression de Barclay et Universal pour le finir ?

Marlon Magnée — Ils ne nous ont pas mis la pression, mais on avait la pression de vite signer un deal au bout d’un moment.

Sacha Got — Et c’est vrai qu’il y avait un truc bizarre, parce que, à un moment, il y a eu un buzz sur nous. En 2010, après la parution de notre premier EP

Le Podium, tout le monde nous attendait

au tournant de l’album et on a choisi de ne pas sortir Psycho Tropical Berlin dans la foulée, mais seulement en 2013.

Marlon Magnée — C’est l’histoire de nos vies. On sort un truc, c’est cool, et puis après ça se dilue, tu rames, tu reviens.

Et, en même temps, vous avez toujours eu votre indépendan­ce, avec votre propre label Disque Pointu. Comme les rappeurs, vous êtes propriétai­res de vos masters.

Marlon Magnée — Oui, c’est ça. Et on a eu, je pense, l’un des premiers deals de publishing sur quatre ans [une durée inhabituel­le pour les contrats d’édition], contre soixante-dix ans après la mort de l’artiste en général. C’était sur le maxi avec Sur la planche, tu vois ? Et heureuseme­nt parce que, franchemen­t, pour ce qu’ils ont investi, ils ont gagné beaucoup et ils n’ont pas fait grand-chose.

Sacha Got — On avait en tête de ne pas se faire niquer.

Marlon Magnée — On a vu Phantom of the Paradise [Brian De Palma, 1974] et ça nous a vachement marqués. Quand on est entrés dans l’industrie du disque, on était partis pour signer dans un label et se faire niquer direct, sauf que personne captait notre musique et ça ne marchait pas, donc on s’est démerdés par nousmêmes, en sortant nos trucs. Et finalement, ça a pris tout seul. C’est là qu’on s’est dit : “Qu’ils aillent se faire foutre, on va tout garder.” Ça nous a surtout permis de rester intègres d’un point de vue de la production artistique.

Sacha Got — On était en position de force, vu que tous les labels nous démarchaie­nt. Quand t’es pas connu et que tu démarches des labels, forcément, tu prends ton tube de pommade et t’écartes les fesses.

Marlon Magnée — C’est normal, parce que le label devra te développer de zéro. Mais là, on avait déjà tout fait et, mine de rien, c’est tellement dur de sortir de l’ombre en tant que groupe. De passer du stade de “Je joue de temps en temps dans un bar et je suis payé 60 balles pour tout le groupe” à “Vas-y, j’ai mon premier article dans Les Inrocks, je fais des Smac [Scènes de musiques actuelles] et je commence à avoir des cachets d’intermitte­nce”, c’est super-dur. Mais quand t’as passé ce cap, c’est un peu comme quand tu passes la barre en surf.

On lit partout que nous avons été influencés par Mac DeMarco, Ariel Pink, Connan Mockasin, mais ce n’est pas des trucs que j’ai écoutés spécialeme­nt. Nous, on a écouté les Cure, et c’est ça qui nous a donné l’amour de la guitare chorus” MARLON MAGNÉE

Combien de chanteuses sont passées par La Femme depuis le début ?

Marlon Magnée — Je ne sais pas, trente, peut-être. Tu en comptes sept ou huit par album.

Vous avez l’impression d’être des Phil Spector de la scène française ?

Sacha Got — Peut-être, je ne sais pas ! (il rigole)

C’est Nina Giangreco et Ysé Grospiron, deux nouvelles chanteuses, qui vous accompagne­ront désormais sur scène ?

Sacha Got — Elles sont arrivées après l’enregistre­ment de l’album, ça fait une nouvelle émulation.

Avez-vous l’impression d’avoir agrégé des influences des années 2010 dans Paradigmes ? On pense notamment à la guitare sur Cool Colorado, qui rappelle Mac DeMarco, un artiste qui a remis le chorus au goût du jour.

Marlon Magnée — Avec Mac DeMarco, on est de la même génération, on a écouté les mêmes trucs.

Sacha Got — Il a lui-même été influencé par Connan Mockasin pour ce genre de guitare. C’est vrai que ça y ressemble, au niveau du traitement des guitares. Il y a quelques trucs que j’aime bien, mais je n’en suis pas fou.

Marlon Magnée — On lit partout que nous avons été influencés par Mac DeMarco, Ariel Pink, Connan Mockasin, mais ce n’est pas des trucs que j’ai écoutés spécialeme­nt. Je ne capte pas le délire. Nous, on a écouté les Cure, et c’est ça qui nous a donné l’amour de la guitare chorus.

Vous sortez Paradigmes dans un contexte privé de live alors qu’avant même la parution de Mystère en 2016 vous aviez déjà rempli un Olympia.

Marlon Magnée — Cette date

[le 23 mars 2016], c’était un gros dilemme entre Sacha et moi. Moi, j’étais plus

partant pour faire un show à la Johnny, et Sacha, plutôt en mode Brassens ou Edith Piaf. Donc on a décidé de faire un truc à l’ancienne avec juste un rideau rouge. Pour le Zénith, on s’est dit qu’on ferait un show à l’américaine. Mais l’Olympia, on l’avait booké pour la sortie de Mystère, qu’on a finalement dû retarder de six mois. On s’est retrouvés à jouer tous nos nouveaux morceaux avec un album pas encore sorti. On avait répété une semaine avant. On n’a pas un super-souvenir.

Sacha Got — Des gens ont kiffé, en vrai.

Ne pas jouer Paradigmes sur scène pour sa sortie, ce n’est pas frustrant ?

Sacha Got — On le joue live parce qu’on fait des télés, des livestream. Je suis content de sortir les clips, les morceaux, c’est ça qui est excitant. C’est le plus pur de notre vision. Un live, c’est toujours détourné, mais c’est jamais parfait. L’oeuvre, c’est vraiment le disque.

Vous êtes un peu les héros locaux à Biarritz. Ça vous paraît loin cette époque, quand vous faisiez vos premiers pas là-bas ?

Sacha Got — J’y suis revenu, j’ai pas trop ce truc nostalgiqu­e. J’habite dans la même rue que lorsque j’étais petit, à côté de l’école où on allait. Mais je sais qu’au début, quand j’étais parti, que j’étais loin pendant longtemps, que j’étais en tournée, puis que je rentrais, j’avais l’impression de revenir au village. J’ai moins ce truc. Tu croises des gens dans la rue tout le temps, mais c’est souvent des gens que tu connais depuis petit, donc il n’y a pas de pression. Et on n’est pas non plus en mode star à nous reconnaîtr­e dans la rue. Là-bas, oui, un peu, mais c’est pas en mode Angèle ou Stromae. Là, c’est un autre stade. C’est cool, on va au marché, on bouffe des huîtres.

Tu dis devenir adulte, il y en a des traces sur Paradigmes ?

Sacha Got — C’est comme tout le monde, par la force des choses tu

“Les attentats, plein de choses comme ça, tu les vis et tu perds en innocence. C’est ça devenir adulte. Mais il faut aussi se battre contre, et garder de la légèreté”

SACHA GOT

le deviens. Ça se retranscri­t forcément dans tes pensées et ta conscience, artistique­ment aussi. Quoique. Il y avait déjà des textes adultes avant. Peut-être qu’il y a plus de morceaux terre à terre et conscients dans les paroles, en prise avec la réalité. Avant, c’était peut-être plus des trucs barrés, de fiction. Il y a un morceau sur un pote qui est mort [Mon ami]. C’est pas forcément devenir adulte, c’est juste des événements de la vie, qui arrivent à chacun à un moment ou un autre. Tu les intègres et la vie devient moins légère. Les attentats, plein de choses comme ça, tu les vis et tu perds en innocence. C’est ça devenir adulte. Mais il faut aussi se battre contre, et garder de la légèreté.

Justement, le morceau que tu évoques, Mon ami, garde une forme de spontanéit­é dans l’écriture, de légèreté aussi. C’est une manière de conjurer le sort, de relativise­r ?

Sacha Got — C’est l’esprit mexicain de fêter les morts et d’en faire quelque chose d’artistique et de positif.

C’est comme les mecs qui chantent du flamenco : ils racontent que leur mère est en train de mourir, des trucs hyperbadan­t, mais les gars, ça leur permet d’être ensemble, de faire du lien. C’est fort. C’est ça aussi la puissance de la musique. Aller deep dans les trips, pour faire que les choses de la vie, hyper-lourdes et insupporta­bles, deviennent digestes et légères.

Marlon Magnée — Comme les parades à La Nouvelle-Orléans.

Sacha Got — Le flamenco, ça m’a marqué pour ça. Quand tu regardes les paroles, c’est vraiment hard. Tu te dis, les mecs, c’est des Gitans, ils ont été persécutés, et ça se ressent dans la musique que c’est fort. C’est pas du Polo & Pan.

Sur Divine Créature, il y a ce thème récurrent chez La Femme de la succube.

Marlon Magnée — C’est un truc qui est dans la mythologie du groupe depuis le début. Ça va avec le logo de La Femme : la main qui te prend. L’être féminin aux super-pouvoirs et magique.

Comment voyez-vous la prochaine décennie avec La Femme ?

Sacha Got — Je ne sais pas, j’essaie de ne pas trop y penser. On verra, mais c’est dur de pronostiqu­er. Je n’ai pas une vision sur le long terme, à me demander ce que je ferai dans dix ans.

Marlon Magnée — Je pense qu’on a tout imaginé, j’espère que ce sera le tableau le plus positif, quoi qu’il arrive. Si on peut continuer à être ensemble, c’est le but. Toute la vie, c’est cool.

Sacha Got — La vie, c’est bancal, tu sais jamais ce qu’il peut se passer.

Ça a déjà vacillé entre vous ?

Marlon Magnée — Pas vacillé, mais on s’est déjà posé certaines questions. Sans pour autant vaciller. Les paradigmes s’effacent !

Sacha Got — Tu ne sais jamais, c’est comme si tu posais la question à un couple. Tout est possible. On se connaît depuis l’école primaire et on a commencé à former nos premiers groupes au collège.

Si vous deviez enfin résumer La Femme en quelques mots… Marlon Magnée — Groupe de rock. Sacha Got — Groupe d’electropop français à géométrie variable.

Marlon Magnée — Ou alors : groupe de musique qui travaille exclusivem­ent dans le secteur de la culture. Mais qui garde le sourire.

Les mots clés sont dans le titre du premier album, finalement.

Marlon Magnée — Psycho Tropical Berlin, vous avez raison.

Paradigmes (Disque Pointu/PIAS/Idol), sortie le 2 avril

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MUA Dyna Dagger Visuels 2D Romain Gauthier
Noé Delmas, Marlon Magnée, les deux nouvelles chanteuses Nina Giangreco et Ysé Grospiron, Sacha Got et Sam Lefèvre MUA Dyna Dagger Visuels 2D Romain Gauthier
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Sacha Got et Marlon Magnée
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