Les Inrockuptibles

Eddy de Pretto

A tous les bâtards Romance Musique/Universal

- François Moreau

Un deuxième album du kid de Créteil parfaiteme­nt marketé pour recueillir tous les honneurs. Vivement les Victoires de la musique 2022…

ON NE CHOISIT PAS SA FAMILLE, MAIS ON NE CHOISIT PAS NON PLUS TOUJOURS SES POTES. Quand a débarqué Eddy de Pretto en 2017 à la faveur d’un premier EP, puis d’un album, Cure, un an plus tard, des copains n’ayant jamais écouté de musique de leur vie, à part le Blizzard de FAUVE≠ et deux ou trois trucs qui passaient au Grand Journal dans les années 2000, se sont empressés de nous signaler l’entrée fracassant­e du chanteur dans leur vie. Le type portait, selon eux, un discours puissant, organique, presque naturalist­e. Le genre viscéral, en fait, d’où l’allégorie du ring de boxe utilisée dans le clip du titre Normal, sorte de projection mentale d’un combat que l’on mène contre les autres, mais surtout contre soi, matérialis­ée en 2019 sur une scène de l’Elysée Montmartre transformé­e en salle de combat, pour une série de dix dates affichant complet.

Que les paroles détournées du poème de Rudyard Kipling (“Tu seras viril mon kid”), sur le single Kid, aient pu résonner dans les coeurs serrés de ceux qui subissent la violence abjecte et déraisonna­ble des injonction­s paternelle­s à poser ses couilles sur la table ou à crever nous paraît, disons, salutaire. On est en droit de fustiger, en revanche, la posture “d’authentici­té” du “projet” de Pretto dans son ensemble, énième déclinaiso­n de produits maîtrisés de A à Z qui ont fait main basse sur une pop chantée en français (c’est le moment où ce bon vieil Eddy prend pour tout le monde), se caractéris­ant par un premier degré navrant, dans son humour comme dans sa sensibleri­e exacerbée, et dont la seule finalité serait d’émouvoir aux larmes le jury de The Voice.

Avec A tous les bâtards – un deuxième album structuré sur le modèle “un trending topic sur Twitter/une chanson” –, Eddy de Pretto enfonce le clou : il dit adieu à la schnouff, voit son nom s’afficher en lettres rouges au fronton de l’Olympia et use d’un verbiage cru avec la grandiloqu­ence d’un chanteur lyrique. La suite, on la connaît : une chorale de gosses, un orchestre philharmon­ique et, au milieu, Eddy de Pretto venu interpréte­r Tout vivre, morceau de clôture du disque, pour la 37e cérémonie des Victoires de la musique en 2022.

Au moment où les derniers mots résonnent, les cuivres cessent de gronder et les cordes se mettent au diapason. Vianney est en larmes, Eddy a réparé les vivant·es. Quant à nous, on préférera toujours les flingué·es de la chanson qui ne savent pas pourquoi il·elles vont mal, et qui ne veulent pas aller mieux.

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